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La prise en charge médicamenteuse Pr Pierre CASTELNAU

, par Pr Pierre Castelnau

La prise en charge médicamenteuse

Pr Pierre CASTELNAU
Neuropédiatre, CHU de Tours, INSERM U930

La prise en compte médicamenteuse s’intègre dans un cadre plus global : le professeur MAZET a insisté à juste titre sur l’importance des premières semaines de la rencontre entre le professionnel de santé et la famille. Les différents intervenants ont également souligné la difficulté d’accès au diagnostic. Une fois celui-ci obtenu, il s’avère difficile de mettre en œuvre la procédure sur laquelle la plupart des experts s’accordent, faute de rassembler tous les moyens nécessaires.

Les médicaments qui stimulent l’attention n’ont de sens que pour des patients qui souffrent de déficits de l’attention. Il ne faut pas faire l’amalgame entre le symptôme, qui est l’hyperactivité ou l’impulsivité, et le syndrome qui est le trouble déficit de l’attention, avec ou sans hyperactivité. Faire cet amalgame reviendrait à peu près à déclarer abusivement qu’un malade ayant de la fièvre a forcément une méningite !? Or tout le monde sait qu’il existe plusieurs causes à la fièvre. De même, l’hyperactivité possède plusieurs causes, parmi lesquelles le déficit attentionnel est une des possibilités mais pas la seule. Il y a, par exemple, les troubles psychopathologiques, les troubles spécifiques d’apprentissages ou encore la déficience intellectuelle. Il revient au médecin de mettre en évidence un déficit de l’attention avant de prescrire un traitement qui stimule l’attention et, qui, même dans ce cas, n’est que l’un des aspects de la prise en charge.

Quels sont les patients concernés ? L’échec scolaire est un élément très important. L’hyperactivité et l’impulsivité ne constituent que la partie émergée de l’iceberg : le déficit de l’attention est la partie immergée, car il se voit moins que l’hyperactivité qui dérange. Le terme TDAH rappelle que le mécanisme primitif est le trouble attentionnel auquel s’ajoutent, à des degrés variables : hyperactivité et/ou impulsivité. Ainsi, certains enfants, notamment les filles, souffrent d’un trouble d’attention isolé qui est plus difficile à diagnostiquer. Peut-être est-ce la raison pour laquelle la fréquence du TDAH est réputée moins élevée chez les filles : leur trouble déficit de l’attention est peut-être associé à une hyperactivité moindre que chez les garçons ? Or ces filles en difficultés scolaires peuvent bénéficier d’un traitement qui stimule leur attention.

Les médicaments représentent un aspect de la prise en charge, mais n’en constituent pas la totalité. Différentes catégories de molécules ont été utilisées au cours du temps : clonidine, tricycliques, psychostimulants, dont le Méthylphénidate – il faut éviter de parler de Ritaline®, qui n’est que l’une des présentations de cette molécule. On considère aujourd’hui que les psychostimulants, et en particulier le Méthylphénidate, représentent l’indication princeps en première intention. L’action est symptomatique et non curative. Le Méthylphénidate présente un excellent ratio efficacité / tolérance. La prise tend à être simplifiée : dans la majorité des cas, une prise le matin couvre la totalité de la journée, y compris la période critique des devoirs. On tend aujourd’hui à étendre le traitement à l’âge adulte.
Les présentations disponibles du méthylphénidate comprennent une forme LI (à libération immédiate), la Ritaline® LI et le Medikinet®, et trois formes LP (à libération prolongée) Ritaline® LP, Concerta® LP et Quasym® LP et une forme LM (libération modifiée) Medikinet ® qui présentent des particularités légèrement différentes : la répartition entre la forme à libération immédiate et la forme à libération prolongée varie suivant le produit. Les dosages sont relativement proches et les durées d’action sont assez comparables ; le Concerta® LP présente une durée d’action de 12 heures qui permet de couvrir la période des devoirs, mais certains sujets répondent très bien aux deux autres formes. Enfin, les prix sont relativement comparables.

Le Méthylphénidate a été identifié en 1944 et a été diffusé aux Etats-Unis dans les années 1950. Plus de 1600 articles ont été publiés depuis 1950 sur les effets secondaires de la molécule, ce qui nous confère une assez bonne connaissance de son fonctionnement. Ce volume de données permet un relatif consensus en dépit des informations hasardeuses que l’on peut entendre dans les médias notamment. Cette molécule ne doit donc pas être diabolisée.

Un nombre important d’études convergent sur l’absence de phénomène addictif inhérent à cette molécule. Plusieurs facteurs peuvent déboucher sur une certaine confusion : addiction, dépendance, accoutumance, échappement sont des phénomènes différents qu’il convient de ne pas mélanger. Le mésusage est également un danger : la prescription de ces molécules doit être encadrée et suivie, voire ajustée en cas de problème. Il faut également se méfier des effets secondaires survenant chez les patients présentant un profil particulier, notamment ceux ayant un penchant addictif. L’insuffisance de moyens diagnostics (neuropsychologues et psychologues non remboursés) font également le lit d’erreurs diagnostiques. Enfin, on ne peut que passer rapidement sur une certaine quête du « sensationnel » dans les média…

Les réels effets secondaires sont généralement transitoires, ajustables et impliquent la responsabilité du prescripteur, qui doit les évaluer et corriger les choses si nécessaires. Il s’agit de perte d’appétit, de troubles de l’endormissement, de troubles de l’humeur, avec des tendances à l’irritabilité. Dans l’ensemble, les effets secondaires sont modérés. Les règles de prescription sont strictes : prescription initiale hospitalière valable un an, nécessité d’une surveillance régulière, intérêt d’ajuster la dose ou la molécule si nécessaire. Il faut également prendre le temps d’expliquer au patient un traitement qu’il prendra tous les jours pendant des années.
La France accuse un certain retard par rapport aux autres pays en termes de molécules autorisées ; nous souhaiterions disposer d’une solution alternative au Méthylphénidate. Le Vysanse®, un psychostimulant, fait partie de ces produits autorisés dans d’autres pays. Il s’agit d’une prodrogue, inactive si elle n’est pas métabolisée. Elle fait actuellement l’objet d’essais thérapeutiques dans différents centres experts Français. La Guanfacine® constitue une autre alternative. Cette molécule n’appartient pas à la classe des psychostimulants : elle ne jouerait pas sur la recapture de la dopamine comme le Méthylphénidate, mais plutôt sur la transmission synaptique au niveau du cortex préfrontal." Cette molécule fait également l’objet d’essais dans les centres experts Français et ces études contribuent à mieux connaître ces futurs médicaments.

Le Méthylphénidate agit en inhibant la recapture de la dopamine : il permet une amélioration de l’activité dopaminergique sur les récepteurs du même nom, donc de la circulation de l’information dans le cerveau, et donc de l’attention et la vigilance. Le café possède le même mode d’action, à un degré moindre.

Toutefois, il est possible que le Méthylphénidate présente des effets sur les voies de régulation dopaminergiques autres que l’attention : la voie nigro-striée, qui participe à la régulation du mouvement ou la voie méso-limbique qui contribue à la régulation des émotions (circuits de récompense et de motivation).

En conclusion : l’efficacité du Méthylphénidate est bonne sous réserve de bien identifier les patients réellement concernés par ce traitement et d’adopter les bonnes pratiques de suivi requises. La prise en charge doit également assurer le suivi des aspects autres que l’hyperactivité et l’attention : troubles des conduites, et surtout l’estime de soi+++. Car ce qui compte c’est l’épanouissement et l’intégration de la personne dans son environnement pour prévenir un éventuel « défaut de participation ». C’est, par définition, une réelle démarche de prévention du handicap.
Pour conclure : le Méthylphénidate n’est pas automatique. Il est affaire de spécialiste. Il stimule l’attention, et n’a pas vocation à endormir, ni à calmer. Il n’entraîne pas de dépendance. Son ratio efficacité-tolérance est bon.

Eric KONOFAL

L’éducation des parents, des enseignants et de l’ensemble des personnels de soin est une condition de la réussite du traitement. Ne confondons pas effet désirable, recherché au travers du médicament, et effet désiré, qui relève de toute autre chose.

La France fait encore preuve de résistance vis-à-vis des solutions médicamenteuses : l’arsenal thérapeutique est limité à une seule molécule alors que la prévalence du TDAH est de 5 %, en comptant les formes modérées. Il est important de compléter cet arsenal par d’autres thérapies.
La pharmacologie ne fait pas tout ; elle fait partie d’un tout !

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