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Les conseils aux parents des experts Européens

TDAH et pandémie Covid-19 European ADHD Guidelines Group EAGG

, par Christine Gétin, directrice

Prise en charge du TDAH pendant la pandémie de COVID-19 : conseils du Groupe européen des lignes directrices sur le TDAH

La pandémie du coronavirus crée des défis sans précédent à tous les niveaux de la société. Les personnes atteintes de troubles du neurodéveloppement, comme le trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), sont particulièrement vulnérables à la détresse occasionnée par les mesures d’éloignement physique, et elles pourraient accroître les problèmes de comportement. La crise sanitaire pose également plusieurs questions importantes aux cliniciens sur la meilleure façon de prodiguer des soins dans le cadre des nouvelles restrictions. Par conséquent, le Groupe européen des lignes directrices sur le TDAH (EAGG) a élaboré des lignes directrices sur l’évaluation et la gestion du TDAH pendant la pandémie du virus COVID-19 (voir les lignes directrices complètes en annexe).

Compte tenu de l’exigence d’éloignement physique, tous les services pertinents devraient être disponibles par téléphone ou en ligne, conformément aux recommandations actuelles concernant l’usage de la télépsychiatrie. (par exemple, des conseils du Royal College of Psychiatrsts du Royaume-Uni [1] ou de l’American Psychiatric Association [2] ). La crise du COVID-19 peut être particulièrement difficile pour les adolescents, et encore plus pour ceux qui ont un TDAH. Les écoles et les enseignants doivent essayer de suivre tous leurs élèves, en incluant les personnes atteintes de TDAH, en particulier les adolescents, en tant que groupe prioritaire, en raison de leur désorganisation et du niveau de risque accru de décrochage. Par exemple, participent-ils à des cours en ligne et soumettent-ils leurs travaux ? Y a-t-il des préoccupations au sujet de leur bien-être social et émotionnel ?

Pour les familles ayant des enfants atteints de TDAH, le EAGG recommande l’utilisation de stratégies parentales comportementales parce qu’elles améliorent les compétences parentales et ont des effets bénéfiques pour réduire les comportements d’opposition avec provocation, ce qui est courant dans le TDAH. [3] Dans les circonstances actuelles, lorsque le soutien en personne n’est pas possible, les parents devront se fier à des versions d’auto-assistance de systèmes fondés sur des preuves. L’efficacité de certains de ces systèmes est étayée par des preuves obtenues dans des essais cliniques. [4], [5] [6] Il a également été démontré que certains systèmes en ligne ont de la valeur. [7] Toutefois, les parents doivent faire preuve de prudence et éviter de payer pour des applications non testées qui pourraient faire plus de mal que de bien. Les lignes directrices du EAGG mettent en lumièresix messages essentiels (annexe p 14), notamment le renforcement de la confiance en soi de l’enfant et l’assurance que tous les membres de la famille savent ce qu’on attend d’eux. Par rapport à d’autres produits non pharmacologiques les stratégies utilisant le neurofeedback ou la remédiation cognitive doivent être privilégiées et poursuivies dans à travers la pratique des exercices pour que le transfert des compétences acquises puisse se faire pendant les devoirs et les nouveaux défis.

Les personnes atteintes de TDAH devraient, si la clinique l’indique et conformément aux recommandations nationales standard (HAS en France), avoir la possibilité d’initier un traitement pharmacologique à l’issue de l’évaluation préalable ou, si un traitement est déjà en place, pouvoir poursuivre le traitement en cours, comme d’habitude. Le fait de ne pas avoir accès au traitement pharmacologique à l’issue de l’évaluation initiale ou de ne pas pouvoir maintenir le traitement en cours pourrait augmenter les risques pour la santé liés au COVID-19, car le comportement lié au TDAH pourrait s’aggraver et la personne devenir plus désorganisée et mal contrôler son comportement à ce stade. L’arrêt du traitement peut nuire à la capacité de respecter les exigences en matière distanciation sociale.

Nous espérons que les autorités réglementaires accorderont une certaine souplesse quant aux restrictions d’accès aux médicaments indiqués dans le TDAH pendant la période de COVID-19 afin de s’assurer que les patients reçoivent bien leurs médicaments en temps utile.

Les parents d’enfants atteints de TDAH et les adolescents ou les adultes atteints de TDAH devraient éviter d’augmenter les doses ou d’ajouter des doses (au-delà de celles prescrites) pour gérer une crise ou un stress lié à l’isolement. De même, l’utilisation de médicaments antipsychotiques pour gérer les comportements perturbateurs ou l’utilisation de sédatifs lorsqu’ils ne sont pas cliniquement indiqués devrait être évitée. [Dans nos] recommandations précédentes [8], [nous avons mentionné que « la balance entre les risques et les bénéfices des arrêts de traitements médicamenteux pendant les week-ends doit être prise en compte et mieux évaluée ».] Étant donné que l’isolement familial et la distanciation sociale pourraient exacerber les risques liés au TDAH, nous ne voyons pas de justification robuste pour introduire des arrêts du traitement le week-end pendant la crise actuelle.
L’examen clinique cardiovasculaire de routine et la surveillance en face à face des personnes atteintes de TDAH, sans facteurs de risque cardiovasculaire, pourraient être reportés jusqu’à ce que les visites de routine en face à face soient rétablies, parce qu’à l’heure actuelle, les risques liés à la tenue de visites et d’évaluations en face à face dans ce groupe de patients sont bien plus importants que le bénéfice d’une surveillance cardiaque. Dans la mesure du possible, il est recommandé de surveiller la tension artérielle et la fréquence cardiaque à l’aide d’appareils de mesure de la pression artérielle à domicile, conformément aux directives détaillées dans l’annexe (p 15). Les patients doivent communiquer avec leurs prescripteurs s’ils constatent le moindre symptôme d’un souci cardiovasculaire. (p. ex., douleurs thoraciques, palpitations prolongées et difficultés respiratoires) ou tout autre symptôme préoccupant.

Bien que le retard d’initiation du sommeil soit un effet indésirable possible du traitement par psychostimulant, la perturbation du sommeil peut être causée par d’autres facteurs qui pourraient être associés au confinement COVID-19, comme le stress, le réveil tardif et la perturbation des routines quotidiennes. Une bonne hygiène du sommeil devrait être mise en œuvre ou renforcée de préférence à l’augmentation des doses de mélatonine au-delà de la plage thérapeutique (jusqu’à 5-6 mg de nocte chaque nuit ) [9].

Les maux de tête peuvent survenir pendant le traitement avec des stimulants psycho. [Étant donné les effets indésirables possibles de l’ibuprofène chez les patients atteints de COVID-19,] [10], le [paracétamol doit être préféré à l’ibuprofène pour la gestion de la douleur.]

En résumé, le COVID-19 et les mesures de confinement et de distanciation sociale présentent de nombreux challenges pour les enfants, les jeunes et leurs familles, et ces défis sont susceptibles d’être considérablement plus grands pour les personnes atteintes de TDAH. Il sera donc important de s’inspirer des stratégies couramment recommandées dans les interventions axées sur le TDAH et sur le bien-être mental des enfants et des jeunes. L’incapacité de faire des visites médicales de routine en face à face pour initier et surveiller la prise de médicament ne devrait pas être considérée comme une contre-indication absolue à la pharmacothérapie. Les risques et les avantages liés à l’initiation ou au maintien des médicaments en vertu des restrictions du COVID-19 mises en œuvre dans certains pays devraient plutôt être examinés attentivement. Si l’utilisation de médicaments est jugée souhaitable, des stratégies de surveillance à distance devraient être mises en œuvre.

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7164889/bin/mmc1.pdf
www.thelancet.com/child-adolescent Publié en ligne le 17 avril 2020 https://doi.org/10.1016/S2352-4642(20)30110-3


Les auteurs

Déclarations des conflits d’intérêts : SC, PA, ES-B, TB, DB, JB, DC, DD, RWD, Mdo, MF, CH, MH, EK, PS, CS, H-CS, IW et AZ font état d’intérêts concurrents, qui sont présentés dans leur intégralité en annexe. Tous les autres auteurs ne déclarent aucun intérêt concurrent.

*Samuele Cortese, Philip Asherson, Edmund Sonuga-Barke, Tobias Banaschewski, Daniel Brandeis, Jan Buitelaar, David Coghill, David Daley, Marina Danckaerts,

Ralf W Dittmann, Manfred Doepfner, Maite Ferrin, Chris Hollis, Martin Holtmann, Eric Konofal, Michel Lecendreux, Paramala Santosh, Aribert Rothenberger, César Soutullo, Hans-Christoph Steinhausen, Eric Taylor, Saskia Van der Oord, Ian Wong, Alessandro Zuddas, Emily Simonoff, pour l’European ADHD Guidelines Group
 [11]

Notes

[1Collège royal des psychiatres. Lignes directrices du PIPSIG pour l’utilisation de la télépsychiatrie. www.rcpsych.ac.uk/docs/default-source/members/sigs/ private-and-independent-practice-pipsig/pipsig-telepsychiatry-guidelines-revised-mar16.pdf (consulté le 13 avril 2020).

[2Association américaine de psychiatrie. Telepsychiatry. https://www.psychiatry. org/psychiatrsts/practice/telepsychiatry (consulté le 13 avril 2020)

[3Daley D, Van Der Oord S, Ferrin M, et al. Practitioner review : current best practice in the use of parent training and other behavioural interventions in the treatment of children and adolescents with attention deficit hyperactivity disorder. J Child Psychol Psychiatry 2018 ; 59 : 932-937.

[4Dose C, Hautmann C, Buerger M, Schuermann S, Woitecki K, Doepfner M. Telephone-assisted self-help for parents of children with attention-deficit / hyperactivity disorder who have residual functional impairment despite methylphenidate treatment : a randomized controlled trial.
J Child Psychol Psychiatry 2017 ; 58 : 682–90.

[5Daley D, O’Brien M. A small-scale randomized controlled trial of the self-help version of the New Forest Parent Training Programme for children with ADHD symptoms. Eur Child Adolesc Psychiatry 2013 ; 22 : 543-542.

[6Katzmann J, Hautmann C, Greimel L, et al. Behavioral and nondirective guided self-help for parents of children with externalizing behavior : mediating mechanisms in a head-to-head comparison.
J Abnorm Child Psychol 2017 ; 45 : 719-7130.

[7Dupaul GJ, Kern L, Belk G, et al. Face-to-face versus online behavioral parent training for young children at risk for ADHD : treatment engagement and outcomes. J Clin Child Adolesc Psychol 2018 ; 47 (suppl 1) : 369-83.

[8Cortese S, Holtmann M, Banaschewski T, et al. Practitioner review : current best practice in the management of adverse events during treatment with ADHD medications in children and adolescents. J Child Psychol Psychiatry 2013 ; 54 : 227-46.

[9Bruni O, Alonso-Alconada D, Besag F, et al. Current role of melatonin in pediatric neurology : clinical recommendations. Eur J Paediatr Neurol 2015 ; 19 : 122-33.

[10UK Medicines and Healthcare Products Regulatory Agency. Réponse du gouvernement : utilisation de l’ibuprofène et coronavirus (COVID-19). 20 mars 2020. https://www.gov.uk/government/news/ibuprofen-use-and-covid19coronavirus (consulté le 14 avril 2020).

[11Center for Innovation in Mental Health, University of Southampton and Solent NHS Trust, Southampton SO17 1BJ, Royaume-Uni (SC) ; New York University Child Study Center, New York, NY, États-Unis (SC) ; Division of Psychiatry and Applied Psychology, School of Medicine and National Institute for Health Research Mindtech Mental Health Medtech Cooperative and Centre for ADHD and Neurodevelopmental Disorders Across the Lifespan, Institute of Mental Health, Université de Nottingham, Royaume-Uni (SC, DD, CH) ; Centre de psychiatrie sociale, génétique et développementale

(PA) et Department of Child & Adolescent Psychiatry (ES-B, PS, ET, ES), Institute of Psychiatry, Psychology and Neuroscience, King’s College London, Londres, Royaume-Uni ; Département de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Université d’Aarhus, Aarhus, Danemark (ES-B) ; Child and Adolescent Psychiatry and Psychotherapy, Central Institute of Mental Health, Faculté de médecine de Mannheim, Université de Heidelberg, Mannheim, Allemagne (TB, DB, RWD) ; Département de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et de psychothérapie, Hôpital universitaire de psychiatrie (DB, H-CS), Centre de neurosciences de Zurich (DB), et Centre de physiologie humaine intégrative (DB), Université de Zurich, Zurich, Suisse ; ETH Zurich, Zurich, Suisse (DB) ; Radboud University Medical Center, Nimègue, Pays-Bas (JB) ; Faculté de médecine, de dentisterie et des sciences de la santé, Université de Melbourne, Melbourne, VIC, Australie (DC) ; Murdoch Children’s Research Institute, Melbourne, VIC, Australie (DC) ; Royal Children’s Hospital, Melbourne, Melbourne, VIC, Australie (DC) ; Research Group of Developmental Psychiatry, Center for Developmental Psychiatry (Mda) and Clinical Psychology (Svdo), KU Leuven, Louvain, Belgique ; Département de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Hôpitaux universitaires de psychiatrie-KU Leuven, Louvain, Belgique (Mda) ; Département de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, psychosomatique et psychothérapie, Faculté de médecine, et Hôpital universitaire de Cologne, Université de Cologne, Cologne, Allemagne (Mdo) ; Haringey Children and Adolescent Mental Health Service, National Health Service, Londres, Royaume-Uni (MF) ; Recognition Health, Londres, Royaume-Uni (MF) ; LWL-University Hospital for Child and Adolescent Psychiatry, Ruhr-University Bochum, Hamm, Allemagne (MH) ; Service de Physiologie Pédiatrique, Centre Pédiatrique des Pathologies Du Sommeil, Assistance Publique – Hôpitaux de Paris, Hôpital Robert Debré, Paris, France (EK, ML) ; Klinik für Kinder und Jugendpsychiatrie/Psychotherapie, Universitätsmedizin, Georg-August Universität Göttingen, Göttingen, Allemagne (AR) ; Louis A Fallace Department of Psychiatry and Behavioral Science, University of Texas, Houston, TX, USA (CS) ; Psychologie clinique et épidémiologie, Institut de psychologie, Université de Bâle, Bâle, Suisse (H-CS) ; Department of Child and Adolescent Mental Health, University of Southern Denmark, Odense, Danemark (H-CS) ; Child and Adolescent Mental Health Centre, Capital Region Psychiatry, Copenhague, Danemark (H-CS) ; Psychologie du développement, Université d’Amsterdam, Amsterdam, Pays-Bas (Svdo) ; School of Pharmacy, University College London, Londres, Royaume-Uni (IW) ; et Département des sciences biomédicales, Université de Cagliari & Hôpital pédiatrique Antonio Cao, G Brotzu Hospital Trust, Cagliari, Italie (AZ)

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