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Remédiation cognitive des troubles attentionnels : des aspects théoriques aux applications cliniques Anne-Marie TONINATO

, par Anne-Marie Toninato

Remédiation cognitive des troubles attentionnels : des aspects théoriques aux applications cliniques

Anne-Marie TONINATO

Neuropsychologue clinicienne

La remédiation n’est pas un élément indépendant et isolé, mais s’insère dans une globalité de traitement et de compréhension d’autrui.

Un TDAH a des répercussions tout au long de la vie et dans tous les espaces de la vie du sujet : scolaire, familial et social. Pendant l’enfance, la répercussion est évidente dans le cadre scolaire, et ce dès l’école maternelle : isolement, marginalisation. La répercussion est également familiale. Elle devient rapidement psychique et émotionnelle : démotivation, faible estime de soi. Au moment de l’adolescence, la symptomatologie évolue et impacte plus sévèrement le projet scolaire et social ; elle est associée à des comportements transgressifs et surtout à une tendance à la mise en danger. Pour les adultes, au trouble déficit de l’attention, aux troubles de la concentration et de l’investissement dans les tâches s’ajoutent des comportements d’évitement quand les activités sont jugées trop longues et des déficits exécutifs.

Il existe une corrélation entre le projet possible, l’amélioration possible du patient en fonction du niveau du facteur G, c’est-à-dire la capacité de la personne à conceptualiser son trouble, en prendre conscience et pouvoir développer une anticipation et une maîtrise de ses difficultés. Un autre facteur prédictif très important est la stimulation adaptée de l’environnement, d’où la nécessité de travailler de façon collective avec les professionnels de l’école et les familles. La stabilité affective est également un facteur important. Enfin, l’évolution du trouble est différente selon qu’il est isolé ou associé à un trouble de l’apprentissage autre.

Une prise en charge pluridisciplinaire permet d’intégrer tous les aspects du déficit. J’ai travaillé depuis plusieurs années d’abord en institution, puis dans le cadre d’un exercice fédéral, à un programme qui inclut d’emblée plusieurs types de prise en charge et une collaboration pluridisciplinaire, écologique et scolaire autour de l’enfant.

Ma proposition associe l’ensemble des axes d’intervention pour permettre un renforcement de l’étayage dans tous les espaces publics et développer une rééducation globale. Il s’agit de proposer aux enfants qui présentent un trouble de l’attention, avec ou sans hyperactivité, une remédiation cognitive structurée en Phases distinctes . La première est constituée de séances individuelles hebdomadaires dans lesquelles il convient d’associer d’emblée les parents, dont l’engagement est nécessaire pour soutenir le travail effectué en séance. La deuxième période est une prise en charge groupale.

Les séances individuelles sont constituées de dix à quinze séances en fonction de la gravité du trouble, de l’âge de l’enfant et de sa capacité à prendre conscience de l’impact de ses difficultés. Un enfant très performant sur le plan conceptuel et capable de comprendre cet impact dans le cadre scolaire pourra démarrer immédiatement une remédiation cognitive » ; ce n’est pas tout à fait le cas pour un enfant plus jeune qui subit ses difficultés.

Les première séances servent à expliquer le fonctionnement cérébral à l’enfant en présence de l’un des parents. Je m’appuie beaucoup sur les travaux de Pierre-Paul GAGNE sur la présentation d’un abord séquentiel des choses, qui permet à l’enfant de se repérer dans des structures cognitives qu’on lui présente immédiatement. Les séances sont centrées sur des exercices spécifiques qui visent une modalité attentionnelle spécifique en fonction du niveau et de l’âge de l’enfant – chaque enfant nécessite un certain type d’exercice, à un certain rythme, en fonction de ses difficultés et éventuellement d’un trouble cognitif particulier. Un bilan neuropsychologique complet est donc indispensable, de même que des bilans spécifiques cognitifs pour construire les séances en fonction du point de départ de l’enfant. A la fin de chaque séance, je reçois les parents, transmets la grille de contenu et demande aux parents de répéter le même type d’exercice deux à trois minutes par jour avec la dimension métacognitive associée : il faut expliquer à l’enfant les raisons de ce qu’on va faire, quelles sont les difficultés et pourquoi il a réussi. L’objectif est de le rendre autonome dans la gestion de son trouble attentionnel. L’objectif central est de développer les capacités d’adaptation et de conceptualisation de l’enfant.

L’introduction de chaque séance doit déclencher la disponibilité attentionnelle : on inhibe les distracteurs en proposant des exercices d’attention sélective. On inhibe l’impulsivité en rappelant d’emblée l’organisation de la séance, le but et le rôle de chacun. On modère l’instabilité en veillant à une installation qui contienne l’enfant : chaises avec un accoudoir, tables peu élevées et bien dégagées, etc. L’enfant peut ainsi se mettre au travail et prendre conscience des difficultés à engager l’attention conjointe.

La deuxième étape vise à favoriser la flexibilité mentale en s’appuyant sur le contrôle attentionnel, par exemple des jeux de fluence, de go/no go, de labyrinthe ou de réflexe, en fonction des progrès de l’enfant : une fois l’attention déclenchée, on apprend à l’enfant à inhiber les distracteurs. La deuxième phase de cette deuxième séance vise à introduire des tâches qui associent un raisonnement déductif ou une stratégie. A la fin de chaque série de tâches on explicite l’apprentissage et les modalités attentionnelle mobilisées : qu’a-t-on fait ? Pourquoi cela a-t-il fonctionné ? Pourquoi cela n’a-t-il pas fonctionné ? Que reste-t-il à faire ? On fixe les objectifs de la séance suivante et associe les parents.

La troisième partie vise à développer l’élaboration des mécanismes de planification. On s’appuie beaucoup sur le programme de Pierre-Paul GAGNE : on séquence le travail et on développe le raisonnement de stratégie par des jeux de rôle, des jeux de déduction et des énigmes, pour rendre l’enfant autonome. En fin de séance, on généralise l’apprentissage de la séance en proposant une tâche de longue durée : on se rapproche d’une situation écologique, qui est celle que l’enfant vit tous les jours à l’école.

Enfin, en fin de séance, on met l’accent sur l’apprentissage visé explicitement. Je reçois les parents et leur montre ce que nous avons fait. Je leur fais une proposition de travail pour la séance suivante, en mettant en avant progrès et difficultés. J’adapte le niveau en fonction des troubles associés.
Au terme de ces séances, on n’a pas réglé le problème, mais l’on a fait le tour des domaines de compétence et des domaines encore déficitaires. On propose alors quinze séances groupales où l’enfant est placé dans une situation plus écologique : la présence des autres est un distracteur en soi. On tente de construire un « lobe frontal » à plusieurs enfants : on distribue des rôles et permet de construire des projets d’une séance à l’autre.

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