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Quand l’étude d’un nouveau traitement change le regard sur le TDAH

, par Christine Gétin, directrice

Les résultats d’une étude clinique portant sur une molécule connue par les spécialistes français du sommeil, le Mazindol, viennent d’être communiqués lors du congrès de l’APA (académie américaine de psychiatrie) qui s’est récemment tenu à San Diego (du 20 au 24 mai 2017).

La réussite de cette étude multicentrique de phase 2, menée aux Etats-Unis d’août 2016 à mars 2017, qui a porté sur 85 adultes présentant un TDAH, âgés entre 18 et 65 ans et qui avait pour but d’évaluer l’efficacité, la bonne tolérance et la sécurité de l’utilisation du Mazindol à libération contrôlée développé vient d’être confirmée.

Issus d’une randomisation pour le traitement par Mazindol à libération contrôlée (à la dose de 1-3 mg/j) ou pour le placebo (1 :1), les patients, au cours des 6 semaines d’études prévus, étaient non seulement évalués sur l’échelle de sévérité de symptômes du TDAH (ADHD-RS-DSM5), mais aussi sur l’amélioration d’autres critères comme la somnolence, le sommeil, ou encore de leur humeur. L’étude portait également sur la vérification d’une bonne tolérance hémodynamique, cardiologique, digestive et tout ce qui pouvait correspondre à la survenue d’effets indésirables.

Les résultats qui viennent d’être communiqués sont déjà très encourageants, puisque le Mazindol à libération contrôlée obtiendrait le meilleur bénéfice thérapeutique, enregistré jusqu’à maintenant, chez l’adulte présentant un TDAH. Dépassant de très loin le bénéfice obtenu par l’Atomoxétine, une molécule non-psychostimulante indiquée aux Etats-Unis dans le traitement pharmacologique et dépassant aussi l’amphétamine ou le méthylphénidate aussi bien sur le plan de la tolérance que sur l’efficacité, le Mazindol à libération contrôlée pourrait devenir une nouvelle alternative de traitement intéressante pour les patients et notamment les adultes qui en France ne disposent pas de traitement.

Questions au Docteur Eric Konofal :

Quels bénéfices avez-vous obtenu avec cette étude ?

Une efficacité thérapeutique obtenu en double-aveugle qui est très impressionnante et même au-dessus de nos expectatives, puisque même à une dose très faible (1 mg/j), le mazindol CR (libération contrôlée) évalué cliniquement après une semaine, était déjà significativement efficace par rapport au placebo. L’amélioration à l’échelle de sévérité du TDAH (ADHD-RS) complétée par le patient lui-même a dépassé le score jusqu’à maintenant obtenu chez l’adulte dans ce même type d’étude clinique et ce pour tous les médicaments autorisés aux Etats-Unis dans le TDAH.
Le bénéfice thérapeutique exprimé au moyen du score abaissé à l’ADHD-RS DSM5, à la fin des six semaines de l’étude, était de-18.9 avec le mazindol CR contre -5.7avec le placebo (p<0.001). La tolérance hémodynamique (rythme cardiaque et pression artérielle) n’était pas différente statistiquement entre le mazindol CR (jusqu’à 3 mg/j) et le placebo et l’ensemble des effets secondaires rapportés (de léger à modéré) pas différents significativement non plus.

Quels sont les mécanismes d’action du médicament qui permettraient d’expliquer son efficacité dans le TDAH ?

Nous avons regardé ce qui pouvait être une des explications du bénéfice obtenu par ce produit, et par hypothèses scientifiques successives, nous sommes arrivés à une modélisation possible de son mécanisme d’action. Nos hypothèses ont été couronnées de succès, lorsque nous avons eu connaissance des résultats du profil chimique réalisé in vitro et venant confirmer l’effet du mazindol attendu sur les systèmes à orexines/hypocrétine.

Le mazindol, qui est un dérivé de l’imidazole, se présente chimiquement comme un agoniste des récepteurs 2 de l’orexine. Le système des orexines, en agissant au niveau hypothalamique sur l’alternance veille/sommeil, nous permet à la fois d’être maintenu éveillé le jour et de dormir la nuit. Les orexines contrôlent aussi notre appétit et bien d’autres fonctions physiologiques très importantes. Elles sont aussi des régulateurs de la dopamine, de la noradrénaline impliqués dans le TDAH. Le mazindol en agissant en tant qu’agoniste des récepteurs 2 des orexines, mais aussi en tant qu’inhibiteur de recapture de la dopamine et de la noradrénaline confirme tout son intérêt dans le traitement du TDAH.

En quoi cela pourrait-il changer les connaissances sur le TDAH ?

Les orexines sont impliqués dans la régulation de notre appétit. Le dysfonctionnement de leur système entraîne une prise de poids, des modifications du circuit des récompenses et l’apoptose de leurs cellules est responsable d’une maladie de l’éveil bien connue des spécialistes du sommeil, la narcolepsie. Avec le Docteur Michel Lecendreux, nous avons été les premiers à communiquer scientifiquement sur le TDAH et la narcolepsie et à évoquer le lien possible entre le TDAH et les orexines. Si désormais l’efficacité du mazindol l’emporte sur tous les autres médicaments dopaminergiques et noradrénergiques, y compris sur l’amphétamine, il faut en conclure que son action sur le système des orexines est probablement impliquée.

Des professeurs et spécialistes du TDAH présents aux Etats-Unis comme le Docteur Jeffrey Newcorn ou encore le Professeur Thomas Brown bien connus des médecins français spécialistes du TDAH vont désormais travailler avec nous pour diriger des recherches ciblées sur les orexines dans le TDAH. L’intérêt des chercheurs est déjà très manifeste en ce 30 mai 2017, date historique pour nous à Miami où sont réunis beaucoup de médecins et chercheurs très impliqués aux Etats-Unis dans le traitement du TDAH. Il est clair que sur le plan physiopathologique, notre découverte vient de créer ici, un petit cataclysme dans le monde du TDAH et une ouverture sans précédent, dans le champ des connaissances du TDAH.

Le mazindol, avec cette étude menée sur seulement 85 patients, vient de faire tomber bien des idées reçues à son sujet, mais surtout vient éclairer les relations entre le sommeil, l’éveil, l’appétit, les addictions et le TDAH.

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