Articles à retrouver dans ce numéro spécial
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Changer de regard sur le TDAH et mieux accompagner toutes les personnes concernées.
Etienne Pot [2]
Pourquoi une Société française du TDAH ?
Diane Purper-Ouakil, Stéphanie Bioulac-Rogier, Hervé Caci, Maëva Roulin, Benjamin Rolland, Thiébaut-Noël Willig [3]
Abstract : Résumé
Cet article décrit le contexte de la création de la Société française du TDAH (SF-TDAH), une association pour les professionnels intéressés et impliqués dans le parcours de soin des personnes concernées par ce trouble. Ses objectifs sont multiples mais ont comme ligne directrice essentielle la diffusion des connaissances et pratiques basées sur des données probantes. Nous reviendrons ici sur les missions que se donne la SF-TDAH et sur ses premiers travaux. Ceux-ci ont débuté par la collaboration avec les pouvoirs publics dans le cadre de la stratégie nationale en faveur des troubles du neurodéveloppement et sur des points d’actualité comme l’accessibilité des traitements et la communication scientifique. Les chantiers sont nombreux et nous souhaitons que la SF-TDAH y apportera une contribution dynamique et efficace.
Approche historique du trouble déficit de l’attention hyperactivité et de sa prise en charge
Erica Martins, Manuel P. Bouvard [4]
Abstract : Résumé
Le Trouble Déficit de l’Attention Hyperactivité (TDAH) est un trouble du neurodéveloppement qui affecte 5 % des enfants et près de 3 % des adultes. Ce trouble fréquent, souvent associé à des comorbidités, s’inscrit dans une trajectoire développementale de l’enfance à l’âge adulte et peut retentir dans différents domaines du fonctionnement de l’individu. Nous présentons une revue narrative non exhaustive, centrée sur l’évolution du concept de TDAH et de sa prise en charge chez l’enfant et l’adolescent. Les premières descriptions cliniques européennes de « l’attentio volubilis » par Wiekard et Kloekhof, datent du 18e siècle. À la fin du 19e siècle, le Dr Bourneville introduit le concept « d’instabilité mentale ». Puis, Georges Still, pédiatre, décrit le syndrome de « perte de contrôle moral » qu’il associe au « Minimal Brain Damage » se référent à des lésions cérébrales mineures, théorie reprise dans les études sur l’encéphalite de Van Economo-Cruchet qui dans sa forme hyperkinétique se rapproche du TDAH tel que nous le connaissons aujourd’hui. Les premiers essais de thérapeutiques médicamenteuses (Benzédrine puis Méthylphénidate) viendront attester des soubassements neurologiques. Puis, deux courants théoriques évoluent : une approche neuro-anatomique et neurobiologique d’une part et un courant psychanalytique d’autre part. Des polémiques sur la reconnaissance du trouble et sa causalité émergent, participant à un mauvais repérage et un retard d’accès au diagnostic en France. L’apport des neurosciences (cognition, imagerie, électrophysiologie, génétique, épigénétique…) permettent d’élaborer des modèles théoriques de compréhension intégratifs qui décrivent la complexité du trouble. Ces recherches permettent l’évolution des classifications d’une approche catégorielle ; se centrant initialement sur l’inattention puis réintégrant l’hyperactivité, définissant les sous-types de TDAH ; vers l’approche dimensionnelle et neurodéveloppementale (DSM-5). Le TDAH fait l’objet d’une déclaration de consensus international. Les investigations scientifiques sur des données en masse permettront d’améliorer la connaissance de ce trouble, au bénéfice du patient.
L’épidémiologie du TDAH à tous les âges
Cédric Galera, Hervé Caci [5]
Abstract : Résumé
L’épidémiologie étudie les maladies et les facteurs influençant leur apparition et leur progression. Elle examine aussi les stratégies de prévention et de contrôle des maladies. L’épidémiologie se divise en trois axes : descriptif, analytique et évaluatif. Ces trois dimensions permettent de guider les décisions de santé publique et de mener des recherches pour mieux comprendre les maladies. En épidémiologie descriptive, la prévalence du TDAH est estimée à environ 5 % chez les enfants et 2,5 % chez les adultes. Les études montrent que cette prévalence est stable à travers le temps et les régions géographiques. Le TDAH est plus fréquent chez les garçons que chez les filles pendant l’enfance, mais ce ratio tend à s’équilibrer à l’âge adulte. Les comorbidités avec d’autres troubles psychiatriques et physiques sont fréquentes, rendant le TDAH une condition complexe à traiter. L’épidémiologie analytique examine les facteurs de risque génétiques et environnementaux du TDAH. Les études montrent une forte héritabilité génétique, avec des contributions de nombreux gènes. Les facteurs environnementaux incluent des influences prénatales, des conditions psychosociales et des expositions à des polluants. Les interactions gène-environnement et les corrélations gène-environnement jouent également un rôle important dans le développement du TDAH. L’épidémiologie analytique permet également d’étudier les conséquences à long terme du TDAH, mettant en évidence son possible impact négatif en termes académique, social, de santé mentale et physique, ainsi que de surmortalité. Enfin, l’épidémiologie évaluative se concentre sur l’efficacité des interventions, comme les médicaments et les thérapies comportementales. Les méta-analyses, notamment celles réalisées par Cochrane, fournissent des preuves sur l’efficacité et la sécurité des traitements utilisés pour le TDAH, aidant ainsi à optimiser les stratégies thérapeutiques.
Le diagnostic du TDAH dans l’enfance et à l’âge adulte,
Hervé Caci, [6]
Abstract : Résumé
Le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) est un trouble neurodéveloppemental (TND) comme le trouble du spectre par de l’autistisme, les troubles spécifiques de l’apprentissage, le trouble de la coordination du développement et le syndrome de Gilles de la Tourette. Les TND peuvent être comorbides entre eux et avec d’autres affections psychiatriques ou non psychiatriques, rendant parfois le diagnostic du trouble index assez difficile selon l’âge et le sexe du patient. Le TDAH touche raisonnablement 2 % des enfants d’âge préscolaire, 4 % des enfants d’âge scolaire, 3 % des adultes et 1 % des personnes de plus de 60 ans. Plus de deux millions de personnes sont probablement concernées en France. Les critères de diagnostic sont strictement cliniques et sont fixés depuis plus de vingt ans dans des classifications internationales telles que le Manuel diagnostique et statistique de l’American Psychiatric Association et la Classification internationale des maladies de l’Organisation mondiale de la santé. Il n’existe pas de biomarqueur fiable permettant de poser ou d’écarter le diagnostic. Les conséquences d’un retard ou d’une absence de diagnostic peuvent être dramatiques pour les enfants et leurs familles. Dans cet article, nous abordons la démarche de dépistage et de diagnostic du TDAH : identification des symptômes cardinaux et de leurs répercussions, identification des diagnostics différentiels et des diagnostics comorbides, examens complémentaires à prescrire éventuellement. Ces éléments seront utiles pour déterminer la stratégie thérapeutique, le suivi du patient et la surveillance d’un éventuel traitement médicamenteux. Nous proposons une liste d’échelles d’évaluation et d’entretiens semi-standardisés, parmi lesquels le clinicien pourra choisir d’utiliser le plus approprié en fonction de l’objectif poursuivi : dépistage, diagnostic du TDAH et évaluation de ses conséquences, ou évaluation psychopathologique plus large. En conclusion, le diagnostic de TDAH ne repose sur aucun test biologique, électrophysiologique ou neuropsychologique, ni sur l’imagerie cérébrale. Il doit être posé par un médecin formé au développement normal de l’enfant et aux troubles neurodéveloppementaux, selon une démarche raisonnée.
TDAH en France : la place des associations de patients et familles
Christine Gétin, Claudine Casavecchia [7]
Abstract : Résumé
L’association de patients HyperSupers TDAH France fondée en 2002 et reconnue d’utilité publique joue un rôle crucial dans le soutien aux personnes atteintes de TDAH et à leurs familles. Elle propose un accompagnement personnalisé, répondant à plus de 11 000 demandes en 2023, et informe le public à travers son site internet très visité. HyperSupers TDAH France a également un pouvoir de plaidoyer important. Elle a contribué à l’élaboration des recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS) et joue un rôle actif dans diverses institutions sanitaires pour faire évoluer les politiques de santé. L’association œuvre dans les domaines de la recherche, de l’éducation, de l’emploi et de la justice, pour la reconnaissance du TDAH et le soutien des personnes concernées par le TDAH. En collaborant avec des professionnels de santé et des chercheurs, HyperSupers favorise une meilleure compréhension du TDAH et de sa prise en charge. Elle participe activement à la stratégie nationale sur les troubles du neurodéveloppement. Les principales demandes de l’association incluent la constitution d’une cohorte de recherche sur le TDAH, une meilleure formation des professionnels, des diagnostics et interventions précoces, et des actions pour améliorer la vie scolaire et professionnelle des personnes TDAH. HyperSupers milite également pour des modifications dans les maquettes universitaires et une meilleure prise en compte des besoins spécifiques des personnes TDAH dans les politiques publiques.
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Impact professionnel du Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH),
Bénédicte Jullian, Jérémie Pariente, Antoine Yrondi, Fabrice Herin [8]
Abstract : Résumé
Le Trouble du Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDAH) est un trouble du neurodéveloppement, qui se manifeste dès l’enfance et qui peut persister à l’âge adulte, affectant divers aspects de la vie quotidienne, y compris le milieu professionnel. Le TDAH chez l’adulte se manifeste par des problématiques liées à l’attention et à la concentration, des difficultés de gestion émotionnelle, plus ou moins associées à des manifestations d’hyperactivité physique ou psychique. Ces symptômes peuvent engendrer des problèmes dans l’organisation, la gestion du temps, la ponctualité et les relations interpersonnelles au travail. Les adultes atteints de TDAH présentent également des comorbidités fréquentes telles que des troubles de l’humeur, des troubles anxieux et des troubles liés à l’usage de substances, compliquant le diagnostic et la prise en charge. L’impact professionnel du TDAH est significatif, avec des études montrant une perte de productivité, des niveaux de qualification inférieurs, et un taux d’absentéisme plus élevé. Les adaptations professionnelles peuvent atténuer ces effets négatifs. Par exemple, un environnement de travail adapté, des pauses régulières et des outils spécifiques pour l’organisation peuvent améliorer la qualité de vie au travail des personnes atteintes de TDAH. Malgré ces impacts, le TDAH peut aussi apporter des avantages professionnels. Les adultes avec TDAH sont souvent créatifs, dynamiques et capables de gérer efficacement les situations de crise. Pour maximiser ces atouts, un environnement de travail stimulant et bienveillant est crucial. Les stratégies d’adaptation peuvent amener un réel mieux-être aux sujets par exemple : l’évitement des open-spaces bruyants, la possibilité de travailler debout ou l’accès à des espaces ressources. Le risque d’épuisement professionnel est élevé chez les adultes souffrant de TDAH, en particulier ceux travaillant dans des environnements stressants comme le domaine de la santé. Des études montrent une corrélation entre les symptômes du TDAH et le burn-out, nécessitant une prise en charge adaptée pour prévenir l’épuisement. Il est primordial d’agir en faveur de la sensibilisation et de la formation des managers et des professionnels de santé au travail pour améliorer le repérage et la prise en charge du TDAH. Des approches telles que : les programmes de soutien, la psychoéducation et les adaptations spécifiques du poste de travail, peuvent favoriser une meilleure intégration des adultes atteints de TDAH dans le milieu professionnel, améliorant ainsi leur qualité de vie et leur performance au travail.
Comorbidités et diagnostics différentiels du Trouble Déficit de l’Attention Hyperactivité (TDAH) en fonction de l’âge
Diane Purper-Ouakil, Sébastien Weibel [9]
Abstract : Résumé
Le trouble déficit de l’attention hyperactivité (TDAH) est associé à des comorbidités neurodéveloppementales et psychiatriques tout au long de la vie avec un profil des troubles associés qui tend à se complexifier avec le temps. Cet article propose une synthèse à propos des principales comorbidités et diagnostics différentiels du TDAH dans l’objectif de donner des repères et faciliter la démarche diagnostique et thérapeutique. Chez l’adolescent et l’adulte, il est fréquent que les symptômes de TDAH soient difficiles à repérer devant un trouble abus de substances ou un trouble de l’humeur. Il est pourtant important de diagnostiquer le TDAH car son traitement peut améliorer de façon décisive le fonctionnement social et le pronostic des personnes atteintes par des comorbidités. La plupart des troubles comorbides sont également des diagnostics différentiels du TDAH, avec un certain nombre de symptômes pouvant être communs entre plusieurs catégories diagnostiques. C’est le cas des difficultés de concentration, de l’impulsivité et de l’irritabilité par exemple. L’analyse clinique des comorbidités et diagnostics différentiels du TDAH nécessite une anamnèse développementale précise. Les croisements de données issues de plusieurs informateurs et les entretiens semi-structurés sont généralement une aide précieuse pour le clinicien. L’établissement des stratégies thérapeutiques pour un TDAH avec une ou plusieurs comorbidités nécessite de déterminer quel trouble est le plus invalidant. Le projet thérapeutique procède donc par étapes avec des réévaluations successives.
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Trouble du Déficit de l’Attention/Hyperactivité et Addictions : concepts et applications cliniques pour une meilleure prise en charge
Norman Therribout, Romain Icick, Emily Karsinti, Alexandra Dereux, Frank Bellivier, Florence Vorspan, Cora Von Hammerstein, Lucia Romo [10]
Abstract : Résumé
Contexte
La morbi-mortalité des addictions est en partie liée à ses comorbidités psychiatriques. Parmi elles, le Trouble du Déficit de l’Attention/Hyperactivité (TDAH) reçoit un intérêt croissant dans la communauté clinique et scientifique. Le repérage, le diagnostic et le traitement du TDAH en population souffrant d’addiction restent difficiles.
Objectifs
Décrire les données récentes concernant le diagnostic et la prise en charge de la pathologie duelle « TDAH et addictions » afin de permettre aux cliniciens d’identifier les informations pertinentes pour leur pratique.
Matériels et méthodes
Une revue narrative de la littérature internationale a été réalisée via MEDLINE pour des articles en langue anglaise ou française publiés sans limite de date, concernant le repérage, le diagnostic et les prises en charge du TDAH comorbide des addictions avec et sans substance (jeux d’argent et de hasard, jeux vidéo).
Résultats
Le TDAH est identifié chez 23 % des porteurs d’addiction avec substances et jusqu’à 40 % en cas d’addiction sans substance. De même, la prévalence des addictions avec et sans substance atteint 50 % chez les porteurs de TDAH. Les tableaux cliniques sont alors plus sévères. Le repérage de cette pathologie duelle s’appuie sur un processus diagnostique spécifique. Des outils standardisés sont utiles pour appuyer cette démarche mais ne sont pas tous validés. La prise en charge médicamenteuse et non médicamenteuse doit cibler les deux aspects de manière intégrée. Certaines stratégies thérapeutiques dédiées (psychoéducation, Thérapie Comportementale et Cognitive) sont prometteuses, mais leur niveau de preuve reste faible à ce jour.
Discussion
Le soin de la pathologie duelle « TDAH et addictions » implique des stratégies spécifiques de diagnostic et de traitement, mais les données de validation restent insuffisantes et hétérogènes. L’offre de soins disponible doit également être étoffée pour répondre à cet enjeu de santé publique.
Trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité et troubles du sommeil : de l’enfant à l’âge adulte,
Stéphanie Bioulac, Anne Claret-Tournier [11]
Abstract : Résumé
Le sommeil est un motif de plainte fréquente chez les patients TDAH, enfant comme adulte. De nombreux travaux ont mis en évidence une surreprésentation de tous les troubles du sommeil dans cette population avec une prévalence de l’ordre de 25 à 55 %. Ces plaintes de sommeil incluent à la fois des pathologies bien définies comme le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), le syndrome des jambes sans repos (SJSR), les troubles du rythme circadien. Sont décrites aussi, des plaintes plus subjectives telles que des difficultés à s’endormir, à se réveiller et surtout à se maintenir éveillé, s’exprimant par une somnolence diurne excessive. Le SJSR est une comorbidité fréquemment associée au TDAH, chez les enfants comme chez les adultes avec une prévalence environ 3 fois supérieure à celle de la population générale. Concernant le SAOS, on décrit une expression diurne et nocturne de cette pathologie respiratoire du sommeil. La symptomatologie nocturne associe ronflements, pauses respiratoires, sueurs nocturnes, nycturie… La symptomatologie diurne associe difficultés d’attention, de concentration, hyperactivité, irritabilité, impulsivité, difficultés à réguler ses émotions ; symptômes qui sont décrits dans le TDAH. De ce fait, il n’est pas toujours facile d’identifier si les symptômes observés sont soit l’expression d’un SAOS seul ou bien soit l’expression d’une situation comorbide SAOS-TDAH. Les sujets avec TDAH présentent plus fréquemment que les sujets non-TDAH un chronotype vespéral et un syndrome de retard de la phase circadienne. Plusieurs hypothèses physiopathologiques sont émises : d’origine génétique avec des polymorphismes des gènes de l’horloge (gènes Clock), des modifications de sécrétion de mélatonine. Les plaintes d’insomnie sont des plaintes fréquemment rapportées par les enfants, par les parents des sujets TDAH et par les adultes avec TDAH. Ces difficultés existent « tout au long de la nuit », de l’endormissement au réveil. Une réduction de l’efficacité du sommeil et la diminution de la qualité du sommeil sont aussi rapportées. Ces plaintes subjectives de sommeil ont été néanmoins peu confirmées par les mesures polysomnographiques. Enfin, certains sujets TDAH présentent une hypersomnolence, décrite sous le nom de phénotype « narcolepsy-like ». De façon similaire, il est retrouvé chez les sujets avec narcolepsie plus souvent des symptômes de TDAH et chez les patients avec TDAH plus de symptômes de narcolepsie, pour faire évoquer un continuum entre ces deux troubles. Les relations entre troubles du sommeil et TDAH sont diverses et multifactorielles. Il n’est pas simple parfois pour le clinicien de distinguer la dette de sommeil ou un sommeil de mauvaise qualité pouvant induire des symptômes proches du TDAH (« TDAH-like »), et la situation des comorbidités entre TDAH et différents troubles du sommeil. Dans la première situation, la prise en charge du trouble du sommeil entraîne la disparition des symptômes de « TDAH-like ». Dans la seconde situation, il est nécessaire de prendre en charge le TDAH et le trouble du sommeil, les deux pathologies s’aggravant l’une – l’autre. Cet article présente les données récentes sur les principaux troubles du sommeil associés au TDAH chez l’enfant et chez l’adulte et propose des pistes pratiques pour aider le clinicien dans son évaluation. Cet article propose enfin un schéma intégrant les liens entre TDAH, symptômes de TDAH et troubles du sommeil.
Relationship between pediatric extremity fractures and attention deficit hyperactivity disorder
Merve Yazıcı, Rıfat Şahin, Mehmet Sabri Balık, Ahmet Tunahan Yılmaz [12]
Résumé
Contexte
Le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité est l’un des troubles mentaux les plus courants de l’enfance, caractérisé par l’inattention, l’hyperactivité et des comportements impulsifs. Les fractures sont une cause fréquente d’hospitalisation, surtout chez les enfants. La reconnaissance des facteurs de risque de fracture peut contribuer à la prévention des blessures et fournir des informations permettant de déterminer les interventions appropriées.
Objectifs
Cette étude a examiné si un diagnostic de fracture est associé au diagnostic et aux symptômes du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, ainsi qu’aux symptômes du trouble oppositionnel avec provocation, du trouble des conduites et lenteur de traitement cognitif.
Matériels et méthodes
Les groupes d’étude étaient composés d’enfants avec et sans fractures des extrémités qui ont postulé à la clinique externe d’orthopédie et de traumatologie. Un entretien semi-directif a été réalisé par un pédopsychiatre et les échelles ont été appliquées. Les résultats obtenus ont été comparés et analysés entre les groupes de patients et les groupes témoins. De plus, dans le groupe de patients, les caractéristiques liées aux fractures ont été détaillées et leur relation avec le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité a été étudiée.
Résultats
Au total, 200 enfants et adolescents, 65 hommes et 35 femmes diagnostiqués avec des fractures, et 56 hommes et 46 femmes du groupe témoin, ont été inclus. Les âges moyens des patients ayant subi des fractures et des groupes témoins étaient respectivement de 11,74±3,40 et 11,46±3,66. Les résultats ont montré que les symptômes d’inattention et d’hyperactivité étaient associés au risque de fracture. Cependant, il n’y avait aucune relation entre les symptômes d’autres maladies et les fractures.
Conclusions
Cette étude est importante car elle révèle la relation possible entre le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité et les fractures. La remise en question des symptômes du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité par les chirurgiens et l’identification des enfants à risque contribueront au diagnostic et au traitement précoces du trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité.
Quand penser à l’existence d’un trouble spécifique du développement et des apprentissages associé au TDAH de l’enfant ?
Thiébaut-Noël Willig, Laurent Raffier, Françoise Joseph, Stéphanie Iannuzzi [13]
Abstract : Résumé
Après les premières recommandations françaises de la Haute Autorité de santé (HAS) en 2014 sur le TDAH de l’enfant, puis les recommandations publiées au troisième trimestre 2024 par les experts auprès de la HAS, la question des comorbidités entre le TDAH et les autres troubles du neurodéveloppement reste un enjeu quotidien pour les familles comme pour les professionnels. Cette synthèse propose donc aux professionnels ayant suspecté ou diagnostiqué un TDAH de l’enfant ou de l’adolescent, d’élargir la réflexion en particulier sur les troubles spécifiques du développement et des apprentissages qui peuvent être associés, en s’appuyant sur plusieurs sources : les informations déjà disponibles notamment en provenance de l’école, les outils de dépistage accessibles au médecin de premier recours et de deuxième recours avant prescription de bilan complémentaire éventuel. Cela permet à chaque enfant de décider si une évaluation pluridisciplinaire est nécessaire portant sur les différents domaines de son développement, et notamment de dépister des difficultés secondaires sur les apprentissages (langage écrit et calcul) ou le développement. Ceci est d’autant plus important des formes inattention pures ou quand des difficultés sont masquées par l’importance des difficultés comportementales. Une réunion de concertation pluriprofessionnelle (RCP) permet alors d’arbitrer au cas par cas entre TDAH ou difficultés attentionnelles secondaires à la surcharge cognitive. La réflexion portera également sur le cadre conceptuel entre une comorbidité, une relation cause/conséquences, et dans une perspective développementale plus globale des différentes fonctions cognitives.
Diagnostiquer et traiter le TDAH et le trouble bipolaire comorbide chez l’adulte
Sara Cipriano Salvador Marques, Clément Donde, Antoine Bertrand, Mircea Polosan, Arnaud Pouchon [14]
Abstract : Résumé
Objectifs
L’objectif est de savoir dépister, diagnostiquer et traiter la comorbidité du trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) et du trouble bipolaire (TB) chez le sujet adulte, présentant un enjeu majeur pour le pronostic des patients.
Méthodes
Il s’agit d’une revue narrative de littérature à propos de la comorbidité TDAH-TB chez l’adulte, incluant une première partie sur le diagnostic différentiel entre les deux troubles, une deuxième sur les spécificités de la comorbidité TDAH-TB, une troisième sur l’approche pour dépister et diagnostiquer cette comorbidité, et une quatrième sur l’approche thérapeutique.
Résultats
Le praticien se doit de connaître la phénoménologie des troubles et être attentif à la sémiologie fine afin de réaliser le diagnostic différentiel du TDAH et du TB, et doit connaître les signes d’alerte devant faire évoquer cette comorbidité. Le dépistage et le diagnostic de cette comorbidité doivent se baser sur les critères cliniques et être complétés par des évaluations psychométriques. L’approche thérapeutique doit se faire par étapes et de façon hiérarchique, d’abord en stabilisant le trouble le plus sévère, en général le TB, en utilisant des traitements thymorégulateurs, puis en traitant dans un second temps le TDAH avec un traitement spécifique. Certaines approches non pharmacologiques pourraient également se montrer intéressantes pour traiter cette comorbidité et devraient être associées.
Conclusions
La littérature scientifique manque encore d’études spécifiques sur cette comorbidité. Davantage d’études concernant les traitements pharmacologiques et non pharmacologiques de la comorbidité TDAH-TB chez l’adulte sont encore nécessaires.
Aging ADHD : Case series of patients reaching 45+ with a recent diagnosis of ADHD
Margaux Courrèges, Jeremy De Kermadec, Hassan Rahioui [15]
Résumé
Le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité est un trouble neurodéveloppemental dont les premiers symptômes apparaissent généralement avant l’âge de 12 ans. L’impact éducatif des incohérences de concentration et des comportements impulsifs a fait l’objet de nombreuses recherches chez les enfants, les adolescents et même les jeunes adultes. Cependant, les adultes tardifs n’ont pas été décrits dans la littérature, même si le syndrome pathologique ne disparaît pas toujours avec le temps. Il peut, comme c’est le cas dans les quatre cas présentés, durer plus de 50 ans, ce qui signifie un passé de toute une vie. Il peut, comme on le constate dans les quatre cas présentés, durer plus de 50 ans, ce qui signifie un passé de répercussions inattentives et hyperactives tout au long de la vie. Le TDAH persistant peut être de multiples facteurs de risque et comorbidités, ce qui implique une prise en charge médicale plus compliquée. Les thérapies dédiées, en particulier celles qui s’attaquent aux difficultés professionnelles, devraient être validées par la recherche afin de cesser de répéter indéfiniment des schémas négatifs.
Exemple d’une équipe territoriale de niveau 3 (« recours ») dans le TDAH : l’Équipe de Coordination Lyonnaise des troubles de l’Attention et de l’Hyperactivité (ECLAH)
Hugo Prunier, Lucie Jurek, Caroline Demily, Benjamin Rolland [16]
Abstract : Résumé
Le trouble déficit de l’attention-hyperactivité (TDAH) touche 6 % des enfants et 3 % des adultes. Pourtant, la stratégie nationale 2023–2027 pour les troubles du neurodéveloppement souligne l’absence de filière de soin dédiée, des difficultés d’accès au repérage, au diagnostic et au traitement, ainsi qu’un besoin de formation des professionnels de santé sur l’ensemble du territoire français. L’Équipe de Coordination Lyonnaise des troubles de l’Attention et de l’Hyperactivité (ECLAH), créée en novembre 2023, est une équipe pluridisciplinaire visant à répondre à ces enjeux. Elle coordonne le réseau de soin, offre des formations, et propose des consultations spécialisées pour des cas complexes. L’ECLAH collabore avec divers acteurs pour structurer un réseau de soins, fournit des informations aux professionnels et aux institutions, et organise des Réunions de Concertation Pluridisciplinaires (RCP). Elle participe également à des projets de recherche sur divers aspects du TDAH. ECLAH se distingue par sa mission de complément aux dispositifs existants, sans s’y substituer, en apportant une expertise spécialisée.
Les interventions psychologiques dans la prise en charge du TDAH chez l’adulte
Maëva Roulin, François Radiguer, Sébastien Henrard, Johanna Guinet, Sophie Bayard [17]
Abstract : Résumé
La gestion des difficultés pour les personnes souffrant d’un trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est une tâche complexe qui va au-delà de l’application de la pharmacothérapie seule. Bien que les médicaments stimulants soient fréquemment utilisés pour traiter les symptômes principaux du TDAH, ils ne suffisent pas toujours à gérer d’autres aspects importants du trouble. L’objectif de cette étude est de compléter la revue de questions effectuée en juin 2017 par la Cochrane Database of Systematic Reviews concernant les approches psychologiques du TDAH. Pour cela nous avons analysé les données publiées depuis 2017 dans les bases de données PubMed, Embase, PsycInfo et MEDLINE. Nos données ont été regroupées par type d’approche de façon à mettre en lumière les thérapies les plus efficaces pour améliorer les symptômes comportementaux et fonctionnels associés au TDAH. Les données recueillies permettent de souligner que les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (MBCT) et la psychoéducation se montrent particulièrement efficaces, fournissant des bénéfices à court terme en diminuant les symptômes du TDAH et en améliorant les troubles associés tels que la dépression et l’anxiété. Nous concluons qu’il existe à ce jour des preuves significatives pour justifier l’utilisation d’approches psychologiques spécifiques dans la gestion du TDAH chez l’adulte. Il est crucial que les recherches futures examinent plus rigoureusement les lacunes méthodologiques existantes et intègrent davantage les approches transdiagnostiques en psychopathologie.
Infirmiers de pratique avancée dans le TDAH : l’exemple bastiais,
Mélanie Guagenti, Laurence Bonelli [18]
Abstract : Résumé
Contexte
Le métier d’Infirmier en Pratique Avancée (IPA) se déploie depuis 2018 en France dans l’objectif d’améliorer l’accès aux soins. En Corse jusqu’en 2021, il n’existait aucune structure spécialisée pour le repérage et la prise en charge des adultes pour assurer une continuité du parcours de soins pour les enfants diagnostiqués TDAH devenus adulte, ou pour rattraper le retard des adultes non diagnostiqués dans l’enfance.
Discussion
La création d’une unité recours du TDAH sur le Centre Hospitalier de Bastia a été mise en place afin de garantir une équité d’accès aux soins et une prévention des ruptures de parcours à l’âge adulte en proposant une consultation pluriprofessionnelle. Elle a obtenu un financement du Fonds d’Innovation Organisationnel en Psychiatrie en décembre 2022. La mise en place de cette unité repose sur une collaboration, via un protocole d’organisation, entre une psychiatre et une IPA mention Psychiatrie Santé Mentale (PSM) permettant la création d’un parcours de soin innovant. La mission principale réside dans l’évaluation et le soin du TDAH pour confirmer le diagnostic, évaluer la gravité des troubles et les comorbidités pour proposer un projet personnalisé de soins. Sur le volet évaluation, l’IPA peut réaliser le premier entretien clinique complet, analyser les échelles psychométriques d’autoévaluations, faire la passation de l’échelle DIVA. Sur le volet soins, l’IPA est en charge de l’adressage au cardiologue des patients nécessitant une thérapeutique de référence. Après l’initiation du traitement par la psychiatre, l’IPA s’occupe des entretiens cliniques de suivi en alternance avec le médecin. Outre ses compétences cliniques, l’IPA assure également un rôle de coordination du parcours de soins des adultes TDAH. L’IPA apporte aussi une plus-value pour les actions de psychoéducation, qu’elles soient individuelles ou groupales. De plus l’IPA peut exercer un leadership clinique en sensibilisant les étudiants infirmiers et ses collègues IDE au TDAH. Enfin, l’IPA peut s’impliquer dans la recherche clinique sur le TDAH adulte.
Conclusion
L’expérimentation bastiaise, facilement réplicable, confirme que les IPA PSM sont une ressource innovante dont les compétences apportent une plus-value dans les parcours de soins des adultes TDAH.
TDAH en France : un défi en milieu scolaire
Sara Fally [19]
Abstract : Résumé
Le trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) a fréquemment un retentissement négatif sur la scolarité, à la fois sur les apprentissages et les relations interpersonnelles. Comment apporter un soutien éducatif et comportemental efficace aux enfants atteints de TDAH à l’école ? Pour mettre en œuvre l’école inclusive, les enseignants combinent des pratiques d’intervention, d’accompagnement et d’aménagement. Cependant, en raison de l’hétérogénéité des manifestations du trouble, du manque de formation des enseignants, et du peu d’évaluations des pratiques, les adaptations ne répondent pas toujours aux besoins des élèves concernés et génèrent du découragement. Dans ce contexte, opter pour une approche pédagogique qui bénéficierait non seulement aux élèves avec un TDAH mais également à l’ensemble de leurs pairs favoriserait une véritable inclusion.
La gestion pharmacologique du traitement du TDAH
Laura Parigny, Stéphanie Bioulac, Louise Carton [20]
Abstract : Résumé
Contexte et problématique
La prise en charge du Trouble Déficit de l’Attention-Hyperactivité (TDAH) repose sur des mesures non médicamenteuses en première intention et lorsque celles-ci sont insuffisantes, un traitement médicamenteux. En France, le méthylphénidate est préconisé en première ligne, mais sa prescription nécessite une attention particulière.
Objectifs
Cet article explore les aspects pharmacologiques du méthylphénidate et d’autres stratégies médicamenteuses disponibles en France pour une prise en charge optimale du TDAH.
Matériels et méthodes
Une revue narrative de la littérature scientifique a été réalisée en consultant PubMed et Google Scholar, en plus des dernières recommandations émises par la Haute Autorité de Santé (HAS) et l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM). Les critères d’inclusion comprenaient des articles en français et en anglais, publiés entre 2000 et 2023, sur l’efficacité et la sécurité du méthylphénidate et d’autres médicaments utilisés dans le traitement du TDAH et de ses comorbidités.
Résultats
Le méthylphénidate est un médicament psychostimulant, agissant par inhibition de recapture de la dopamine et de la noradrénaline, dont la prescription est régie par la réglementation des stupéfiants. L’extension d’indications à l’adulte et la variété des formulations offrent plusieurs options pour améliorer l’efficacité et minimiser les effets indésirables. Le méthylphénidate nécessite une évaluation et une surveillance attentive de son efficacité et de sa sécurité d’emploi. Certaines alternatives psychostimulantes et non psychostimulantes existent afin d’enrichir l’arsenal thérapeutique pour les patients dont la balance bénéfices/risques est en défaveur du méthylphénidate, mais restent encore peu nombreuses.
Discussion et conclusion
La gestion pharmacologique implique la nécessité d’une approche individualisée pour augmenter les bénéfices, tout en réduisant les effets indésirables potentiels. Les perspectives d’obtention d’AMM en France pour de nouveaux médicaments, tels que la lisdexamfétamine ou l’atomoxétine, pourraient permettre d’élargir l’arsenal thérapeutique disponible et d’améliorer la prise en charge personnalisée du TDAH.
Pas si paradoxal … Neurobiologie du trouble déficit de l’attention–hyperactivité (TDAH) et mode d’action thérapeutique des psychostimulants
Benjamin Rolland, Luc Zimmer, Hugo Prunier, Guillaume Sescousse [21]
Abstract : Résumé
Problématique
Le trouble déficit de l’attention–hyperactivité (TDAH) est caractérisé par une perturbation des fonctions attentionnelles et de la planification des tâches (fonctions exécutives), plus ou moins associée à une hyperactivité–impulsivité. Les psychostimulants, qui ont une action dopaminergique, constituent la principale classe pharmacologique utilisée pour traiter le TDAH. Or, l’intoxication aux psychostimulants est connue pour entraîner des troubles attentionnels et une grande agitation psychomotrice. Il peut donc sembler paradoxal de traiter les symptômes de TDAH avec des molécules dont l’usage peut provoquer le même type de symptômes.
Méthodes
À travers une revue narrative d’articles scientifiques, nous montrons comment les données neurobiologiques récentes, portant à la fois sur les mécanismes dopaminergiques sous-jacents aux fonctions attentionnelles et exécutives, les anomalies dopaminergiques du TDAH, et les modes d’action pharmacologique des psychostimulants, convergent pour expliquer ce paradoxe apparent.
Résultats
On considère aujourd’hui qu’il existe une relation « en U inversé » entre les niveaux de dopamine dans le cortex préfrontal (CPF), d’une part, et les performances attentionnelles et exécutives, d’autre part. Trop, mais aussi trop peu de dopamine sont susceptibles d’aboutir au même résultat, c.-à-d. une perturbation des fonctions exécutives et une diminution des performances cognitives. Or, dans le TDAH, il existe un niveau de dopamine anormalement bas au sein du CPF, qui expliquerait la symptomatologie. Les psychostimulants agissent principalement en bloquant les transporteurs présynaptiques des catécholamines (dopamine et noradrénaline). Ainsi, en rehaussant les niveaux de dopamine dans le CPF chez les sujets avec TDAH, ils permettraient de revenir à des niveaux associés à de bonnes performances, tandis que chez des sujets sans TDAH, ils auraient davantage tendance à amener les concentrations de dopamine à des niveaux élevés, là où les fonctions exécutives sont de nouveau altérées.
Conclusions
Le modèle de relation « en U inversé » entre dopamine et performances cognitives résout élégamment le paradoxe apparent de l’action des psychostimulants dans le TDAH, et permet également d’expliquer un certain nombre de situations cliniques fréquemment retrouvées en pratique. Il est important d’éduquer les patients, les soignants, et le grand public, sur ces explications neurobiologiques, notamment pour lutter contre les représentations erronées associées à l’usage de psychostimulants chez les personnes atteintes de TDAH.
TDAH en France : les initiatives récentes pour développer l’accès aux traitements pharmacologiques
Benjamin Rolland [22]
Abstract : Résumé
Les traitements pharmacologiques utilisés dans le trouble déficit de l’attention – hyperactivité (TDAH) sont parmi les plus efficaces des molécules utilisées dans le champ psychiatrique. Il s’agit de (1) psychostimulants dits amphétaminiques (essentiellement dexamfétamine et sa prodrogue, la lisdexamfétamine), (2) psychostimulants « non amphétaminiques », dont le chef de file est le méthylphénidate, et (3) traitements non psychostimulants, dont le plus connu est l’atomoxétine. En France, seul le méthylphénidate est actuellement disponible. Par ailleurs, pendant longtemps, son autorisation a été limitée aux enfants, avec des conditions de prescriptions très strictes. Ces contraintes ont progressivement été levées pour suivre les règles plus habituellement retrouvées en Europe. Mais les autres traitements restent non commercialisés en France, ce qui crée des disparités problématiques , par comparaison avec la plupart de nos voisins. À l’initiative de la Délégation Ministérielle pour la psychiatrie et la santé mentale, la Délégation Interministérielle pour les Troubles du Neurodéveloppement, l’association de patients et famille TDAH-France, et la Société Française du TDAH (SF-TDAH), plusieurs groupes de travail ont été mis en place en début 2023, dont l’un consacré à développer l’accès aux traitements pharmacologiques encore inaccessibles en France. Des contacts ont été pris avec l’Agence Nationale de Sécurité du Médicaments et des produits de santé, la Commission de la Transparence de la Haute Autorité de santé, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, et avec les laboratoires pharmaceutiques concernés. Dans les suites de ces échanges, il semble qu’un laboratoire s’engage vers une demande d’accès au marché français pour la dexamfétamine, et des réflexions sont en cours pour la lisdexamfétamine. Les institutions et autorités officielles traiteront toutefois les éventuels dossiers déposés avec le niveau d’exigence scientifique et réglementaire qu’elles s’imposent, et rien ne peut garantir à ce stade que d’éventuelles demandes de mise sur le marché seront acceptées, ou que les autorités de santé et les laboratoires trouvent un compris sur un prix permettant la commercialisation de ces produits.
Risques du méthylphénidate au long cours
Lucie Jurek, Samuele Cortese, Mikail Nourredine [23]
Abstract : Résumé
La prévalence administrative du trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) a connu une augmentation au cours des dernières années. De fait, la prescription des traitements du TDAH dont le méthylphénidate (MPH), traitement le plus largement prescrit, a augmenté. Dans ce contexte, l’évaluation des risques à long terme associés à son utilisation est d’une importance cruciale. Cet article a pour objectif de présenter les résultats des études sur l’utilisation du MPH à long terme. Nous avons réalisé une revue de la littérature des dix dernières années (20 mars 2014–20 mars 2024), en nous appuyant sur la base de données PubMed, afin d’évaluer ces risques. Les résultats de notre revue mettent en lumière certains aspects clés. Contrairement à certaines préoccupations initiales, la littérature suggère un effet potentiellement protecteur du MPH contre la dépression et les troubles liés à l’usage de substances. De plus, aucune augmentation significative du risque de suicide, de troubles psychotiques ou de dysfonctionnement testiculaire n’a été observée dans les études examinées. Des préoccupations subsistent concernant les effets cardiovasculaires à long terme. Des données récentes indiquent une augmentation du risque d’hypertension et de maladie artérielle chez les patients sous MPH, lors de prescriptions de doses élevées. Par ailleurs, aucun surrisque d’arythmie, de trouble ischémique ou thromboembolique n’était retrouvé. En outre, l’impact du MPH sur la croissance reste une question ouverte. Les études incluses dans notre revue présentent des résultats hétérogènes quant à son influence sur la croissance à moyen et long terme, avec un impact qui resterait faible en moyenne. Une compréhension approfondie des risques associés au traitement au MPH est essentielle pour informer correctement patients et familles afin de permettre une décision partagée et informée quant à l’instauration et à la poursuite de ce traitement dans le cadre du TDAH.
TDAH : quels sont les effets cardiovasculaires du méthylphénidate et quelles sont les conséquences éventuelles pour la pratique clinique ?
Antoine Faure, Laurence Bonelli, Mélanie Guagenti [24]
Abstract : Résumé
Contexte
Le méthylphénidate (MPH) est le seul traitement médicamenteux autorisé en France pour le trouble déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH). Sa prescription ne cesse d’augmenter, notamment en raison de la possibilité de sa prescription en ville et l’extension de l’indication aux adultes. Les complications cardiovasculaires sont rares, mais elles engagent le pronostic vital et doivent être connues.
Objectifs
Réaliser la synthèse des revues scientifiques de littérature, afin de présenter les effets cardiovasculaires imputables au MPH d’un patient traité pour TDAH, et proposer une stratégie de repérage et de prise en charge ces effets selon le contexte clinique.
Méthodes
Revue systématique des revues et méta-analyses internationales, sélectionnées selon la méthodologie PRISMA à travers les bases de données PubMed, Cochrane Library et Google Scholar. Leur qualité méthodologique a été évaluée par l’échelle AMSTAR-2.
Résultats
Douze articles ont été sélectionnés et permettent de distinguer trois situations cliniques à risque auxquelles le patient peut être confronté selon le temps d’exposition au MPH et son âge. À l’initiation du traitement, le risque est une augmentation de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque. Pour un patient de moins de 35 ans, cet effet adrénergique risque d’augmenter le risque de mort subite de 12 % (si augmentation de la fréquence cardiaque de repos de dix battements par minute). Ce risque est encore multiplié si le patient a des comorbidités psychiatriques et des psychotropes associés, une cardiopathie congénitale et/ou consomme des toxiques. Enfin, un patient traité par MPH depuis plusieurs années, et âgé de plus de 35 ans, est plus à risque de survenue de maladie athéromateuse.
Conclusions
Les effets à court terme cardiovasculaires du MPH et leur prise en charge sont bien documentés. À plus long terme, les données de sécurité cardiovasculaires sont contradictoires. Un bilan préthérapeutique adapté et personnalisé selon le risque du patient et son âge est le plus pertinent.