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Nouvelles psychothérapies, nouveaux abords du TDAH Dr Frédéric KOCHMAN

, par Dr Frédéric Kochman

Nouvelles psychothérapies, nouveaux abords du TDAH

Dr Frédéric KOCHMAN

Pédopsychiatre, clinique Lautréamont à Lille

De nouvelles thérapies apparaissent régulièrement et sont proposées aux patients. Il nous revient comme médecins d’être rigoureux dans nos approches. Les nouvelles psychothérapies qui ressortent le plus de la littérature sont la thérapie cognitive et comportementale, et la thérapie interpersonnelle.

Le TDAH n’est pas une pathologie anodine, mais un trouble qui entraîne deux fois plus d’accidents de la route chez les personnes qui en souffrent et deux à quatre fois plus de conduites addictives. Beaucoup de jeunes sont exclus de l’école ou en situation de désocialisation.

La thérapie interpersonnelle se fonde historiquement sur la prise en charge des patients dépressifs : une personne déprimée rencontre également des dysfonctionnements dans ses relations avec les autres. Quel est le facteur à l’origine de l’autre ? La question ne se pose pas en ces termes : une personne rendue très irritable par sa dépression multiplie les risques de conflits avec son conjoint ; ces conflits augmentent l’intensité de la dépression, ce qui à son tour accroît les conflits. La thérapie interpersonnelle se décentre de la dépression pour travailler sur le conflit : identifier la source du conflit, le gérer et le faire disparaître. Les dysfonctionnements interpersonnels sont de quatre ordres : deuil (en particulier deuil pathologique), conflits, transitions de rôle souvent imprévues (divorce, changement professionnel, déménagement) et déficits interpersonnels, par exemple un enfant hyperactif qui perd tous ses amis du fait de ses problèmes de conduite.

Ces psychothérapies sont très pragmatiques. Elles sont brèves, par exemple de douze séances en douze semaines. Pour la dépression, l’objectif est d’abraser la souffrance dépressive et d’améliorer les relations interpersonnelles pour mettre fin au cercle vicieux.

Une recherche en cours, présentée récemment au congrès international sur la thérapie interpersonnelle, porte sur l’application de cette technique au TDAH. Dans ce cadre, la thérapie est familiale et implique l’école. Elle mobilise deux dimensions sur trois parmi conflit, déficit et transition de rôle. Elle consiste en seize sessions hebdomadaires et dure donc quatre mois. Dans la dépression, trois séances sont consacrées à l’introduction et à la psychoéducation, puis le thérapeute et le patient sélectionnent l’une des quatre voies : deuil, transition de rôle, conflit ou déficit. Dans le modèle « FF-ADHD-IPT », trois séances servent à l’introduction et la psychoéducation, en présence de l’école. On travaille sur les transitions de rôle, par exemple l’exclusion de l’école, et sur les conflits du jeune avec sa fratrie ou ses parents. On peut également travailler sur le déficit interpersonnel, puis les conflits. Pourquoi le cerveau fonctionne sur ces deux zones.

La psychoéducation intègre les signes cliniques du TDAH, ce qu’on connaît aujourd’hui des neurosciences, la nutrition, ou encore la gestion des devoirs. On peut par exemple inclure de l’imagerie : la scintigraphie cérébrale d’un jeune hyperactif montre par exemple un hypo-débit du cortex frontal. On expliquera que le cerveau fonctionne sur deux zones : le système limbique, qui contrôle l’impulsion, l’agressivité et la colère, puis le cortex frontal, qui chez l’enfant hyperactif ne parvient pas à inhiber la partie sous-corticale du cerveau pour retrouver la sérénité, l’empathie et la maîtrise de soi.

On peut également parler de « système multitâches », par analogie avec un ordinateur. L’enfant a par exemple envie de descendre une rampe d’escalier en skateboard, comme il l’a vu à la télévision. On confronte normalement cette impulsion à ses expériences du passé et l’on évalue les conséquences immédiates de ce que l’on veut faire, ce qui inhibe l’impulsion initiale. L’enfant hyperactif tend à agir immédiatement, sans réfléchir. Tous ces éléments peuvent se travailler pour éviter les éléments irréfléchis.

La phase intermédiaire consiste à travailler ce que j’appelle le « syndrome pitbull » : un pitbull qui mord refuse de lâcher. De même, l’enfant insiste pour obtenir ce qu’il veut jusqu’à ce que, dans bien des cas, le parent finisse par céder. Il est possible de travailler cet aspect et de donner des techniques aux parents pour leur éviter de céder : clarification, analyse décisionnelle, etc. Le travail passe par des jeux de rôle, souvent inversés : la mère joue l’enfant, lequel assure le rôle de sa mère. La thérapie est souvent très drôle ; ce côté vivant est très apprécié des parents et de leurs enfants.

Nous analysons actuellement l’efficacité de cette thérapie auprès des familles et des jeunes.

Deuxièmement, une émanation nouvelle de la thérapie cognitive et comportementale est apparue : une dimension émotionnelle a été ajoutée, en particulier la « pleine conscience », concept né en Asie et développé par le thérapeute américain John KABAT-ZINN. Il s’agit d’utiliser les techniques de méditation, pratiquées depuis des millénaires, comme thérapie de relaxation. Elles s’appuient sur une découverte récente des neurosciences : le moment où nous utilisons le plus d’énergie cérébrale est celui où nous ne « faisons rien ». Les enfants hyperactifs, qui sont souvent dans la lune, sont souvent en réseau de « mode par défaut » : il faut les aider à sortir de ce mode très usant.

Or nous sommes tous en mode « faire » : nous faisons tout le temps quelque chose et sommes hyper-investis dans le non-présent ; on peut parler de pilote automatique. L’objectif est de passer en mode « être ». A cet égard, les grands-parents, qui vivent moins vite que nous, sont très importants dans cet apprentissage : l’enfant pourra aller à la pêche avec son grand-père ou faire un gâteau avec sa grand-mère. Il faut accepter de se poser, pour que l’esprit soit dans le présent, apaisé, sans juger. Les patients deviennent conscients du peu d’attention qu’ils accordent au présent.

L’idée même de la pleine conscience est de focaliser toute son attention sur un état donné ou sur un objet. Un exercice consiste par exemple à s’imaginer comme un extraterrestre venant d’arriver sur Terre : il rencontre un objet qu’il s’efforce de comprendre. J’utilise souvent une Fraise Tagada pour cet exercice : pendant dix minutes, on analysera la texture, la couleur et la forme du bonbon.

Ces techniques sont utilisées dans la clinique que je dirige à Lille, destinée aux 15-25 ans. Elles débouchent sur des résultats très probants dans la prise en charge de ces jeunes.

De la salle

Qu’en est-il des plus de 25 ans ?

Frédéric KOCHMAN

Beaucoup de thérapeutes pratiquent la pleine conscience à Paris ou en province. Je vous invite à lire d’abord des livres, comme Méditer de Christophe André, qui inclut des exercices sur mp3. La technique donne également d’excellents résultats avec de très jeunes enfants.

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