Mesdames et Messieurs les Députés,
Le Sénat vient en deuxième lecture d’adopter le projet de loi suivant : http://ameli.senat.fr/publication_pl/2003-2004/346.html
L’article 8 vient de subir quelques modifications :
« Art. L. 351-1. - Les enfants et adolescents présentant un handicap ou un trouble de santé invalidant sont scolarisés dans les écoles maternelles et élémentaires et les établissements visés aux articles L. 213-2, L. 214-6, L. 422-1, L. 422-2 et L. 442-1 du présent code et aux articles L. 811-8 et L. 813-1 du code rural, si nécessaire au sein de dispositifs adaptés, lorsque ce mode de scolarisation répond aux besoins des élèves. Les parents sont étroitement associés à la décision d’orientation et peuvent se faire aider par une personne de leur choix. En cas de désaccord avec la commission mentionnée à l’article L. 146-5 du code de l’action sociale et des familles, la décision finale revient aux parents ou au représentant légal, sauf incompatibilité de leur choix avec la sécurité physique et psychique de l’enfant ou lorsque ce choix provoque des troubles qui perturbent, de manière avérée, la communauté des élèves. Dans tous les cas et lorsque leurs besoins le justifient, les élèves bénéficient des aides et accompagnements complémentaires nécessaires. »
Ainsi les parents d’un élève turbulent en classe sont susceptibles de perdre leur droit de décision sur la scolarité de leur enfant, en violation des droits fondamentaux des familles tels qu’énoncés dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.
Il n’est pas question ici de carence éducative, de maltraitance parentale, sanctionnées par la déchéance des droits parentaux au titre de la protection de l’enfance.
On ne peut que souligner l’imprécision du texte tant sur la nature des « troubles » que sur la « manière avérée ». En conséquence, l’interprétation en est entièrement laissée à l’institution. Et nous craignons des débordements.
On n’ose imaginer quelle pression des membres de l’institution scolaire, investis de ce pouvoir démesuré, pourraient exercer sur les parents.
Dans le même temps, la formation à la gestion du groupe classe, la formation à la gestion des comportements difficiles sont assurées de manière aléatoire, par des initiatives individuelles. L’Institut Universitaire de la Formation des Maîtres ne prévoit pas de cours officiel sur cette problématique, pourtant ô combien cruciale pour la socialisation de ces enfants.
Quelle alternative à la scolarité normale propose-t-on à ces enfants agités ? un placement en institut de rééducation ou en institut médico-éducatif où la scolarité est reléguée au second plan. Et les soins dispensés ne sont pas toujours adaptés au besoin du jeune.
Les instituts médicalisés sont peu nombreux, ils ne sont pas toujours situés à proximité du domicile. Que se passera-t-il lorsque des enfants et leurs parents, opposés au projet d’affectation, seront contraints d’accepter un placement en internat ? Quels traumatismes désastreux, quels échecs en résultera-t-il ?
Une loi dont l’ambition était de favoriser l’intégration scolaire des enfants handicapés aboutit par cette modification à en faciliter l’exclusion. Il suffit de perturber la communauté des élèves pour ne plus pouvoir être intégré en milieu ordinaire, c’est le cas de tous les enfants atteints de Trouble Déficit de l’Attention /Hyperactivité.
Ce handicap est décrit dans le CIM 10 et le DSM IV avec ses critères de diagnostic. A ce jour, il n’est que rarement pris en compte par l’institution. Les membres de la commission mentionnée à l’article L146-5 du code de l’action sociale et des familles, - malgré leur niveau d’expertise, leur indéfectible bienveillance - ont une connaissance relative du TDAH et d’autres pathologies accompagnées de troubles du comportement peu connues. Néanmoins ils seront désormais souverains pour décider d’une orientation « pertinente ».
L’information sur ce trouble, la formation pour le gérer sont assurées au coup par coup par les parents. Les difficultés comportementales de ces enfants peuvent être correctement gérées au sein du groupe classe à peu de frais. La réussite obtenue par les thérapies cognitives et comportementales permettent de penser que la mise en place de mesures adaptées contribueront à une amélioration de la situation de l’élève ainsi qu’à son intégration en milieu ordinaire. Une volonté sincère d’intégration se traduirait par l’organisation de l’information et la formation des enseignants. L’INSERM évalue à 200 000 le nombre d’enfants concernés par le TDAH.
Nous sommes des parents d’enfants TDAH, membres de l’association HyperSupers - TDAH France, nous avons la volonté de faire connaître ce trouble, d’aider les familles dans cette situation mais aussi l’institution à intégrer nos enfants. Nous avons dans cet objectif édité un livret destiné aux parents et aux enseignants.
Convaincus que la méthode par l’exclusion et la contrainte est non seulement inefficace mais en plus aggravante, nous vous demandons de voter la suppression du passage : « sauf incompatibilité de leur choix avec la sécurité physique et psychique de l’enfant ou lorsque ce choix provoque des troubles qui perturbent, de manière avérée, la communauté des élèves. » de l’article L 151-1.
Vous remerciant de la suite que vous donnerez à notre demande et dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de croire, Mesdames et Messieurs les Députés, à l’assurance de notre considération.
Pour l’ensemble des membres de l’association
Christine Gétin, Présidente