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Les données neurobiologiques

  • Historiquement, c’est Georges Still, un pédiatre anglais, qui, en 1902 décrivit, le premier, un syndrome comprenant ce qu’il appela hyperkinésie / Impulsivité / inattention. Les caractéristiques descriptives qu’il en donna alors sont restées, à quelques variantes ou systématisations près, les mêmes à travers les diverses désignations que ce Trouble a reçu tout au long du siècle dernier et en ce début de XXIe siècle : Imaginez qu’en 1966, S.D. Clements avait recensé 40 expressions différentes ayant été utilisées pour désigner ces enfants partageant donc ces caractéristiques communes : En réalité, ces diverses désignations ne faisaient que traduire les différentes idées que les cliniciens et chercheurs avaient relativement à l’origine (l’étiologie) de ce Trouble.
  • Avant G. Still, l’allemand Heinrich Hoffmann (1845) et le français Bourneville (1897), avaient donné la première description de l’instabilité psychomotrice chez l’enfant dont Bourneville faisait le symptôme principal de certaines arriérations mentales. En 1905, G. Paul-Boncour et J. Philippe étudiaient, quant à eux, « l’instabilité essentielle, en tant qu’entité pathologique chez des écoliers agités et difficiles n’étant ni arriérés, ni hystériques, ni turbulents épileptoïdes » ( R.Dubé, 1992, p.24-25).
  • La description de G. Still :
    • Impulsivité : besoin irrépressible de gratification immédiate sans tenir compte des conséquences auxquelles ces enfants ne pensaient même pas, tout en regrettant leur comportement après ;
    • Hyperkinésie : agitation permanente ;
    • Inattention : grande difficulté à diriger l’attention vers une autre voie d’action alternative ;
    • Troubles associés : difficultés d’apprentissage scolaire, retard mental, atteintes cérébrales majeures. Il est tout à fait remarquable que, dès le début, les Troubles des apprentissages aient été notés en troubles associés, ce pourquoi nous les avons souligné.
  • A la suite de ces premières descriptions, différentes études se sont alors attachées à comparer des enfants présentant une atteinte cérébrale (lésion ou anomalie structurale) à des enfants présentant un TDAH, et inversement.
  • Elles ont donné lieu à deux types d’hypothèses étiologiques (sur les causes) relevant toutes deux du domaine de la neurologie.

1) L’hypothèse de l’atteinte cérébrale :

  • Elle énonce que des atteintes cérébrales, même mineures, concernant certaines régions du cerveau, peuvent provoquer, mais non systématiquement toutefois, des symptômes d’hyperactivité, d’impulsivité et d’inattention ressemblant de très près à ceux que l’on rencontre chez les enfants TDAH.
  • Le Document de soutien à la formation : connaissances et interventions ( TDAH, 2003, Ministère de l’Education, Ministère de la Santé, Québec) fait ainsi état de la claire mise en évidence « des similitudes entre les comportements hyperactifs des enfants et ceux de sujets ayant subi des lésions dans la région préfrontale du cerveau. Ces similitudes sont trop fréquentes pour n’être que le résultat d’une coïncidence » (p. 56). Cependant, s’appuyant sur R.A. Barkley (1981), ce document reprend l’indication de la nécessité d’études neuropsychologiques « pour prouver la relation directe entre ce trouble et une immaturité, une dysfonction ou une faiblesse exécutive liée au plan du cortex préfrontal (Barkley, 1981). (…). Cette région est de plus en plus reconnue pour les connexions abondantes qu’elle établit avec les mécanismes d’éveil, les centres des émotions et les fonctions sensori-motrices. De surcroît, elle semble jouer un rôle important dans les processus d’inhibition, de contrôle, de planification et de régulation du comportement humain complexe, en plus d’être associée (ce dernier phénomène étant encore peu documenté pour le moment) aux capacités à maintenir l’attention sur une longue période de temps et à diriger l’action vers un but à moyen et à long terme ( Barkley, 1981) » (Document de soutien à la formation, 2003, p. 56). Nous verrons un peu plus loin le modèle auquel est parvenu R.A. Barkley en 1997 à partir de ces premières réflexions de 1981.
  • Michel Lecendreux (2003) : « on sait que la survenue de lésions spécifiques affectant (certaines) régions cérébrales peut entraîner une hyperactivité. Ce phénomène a été décrit chez des adultes ayant des lésions de la région du putamen causées par des atteintes vasculaires ou tumorales. Les patients ont alors développé des symptômes d’hyperactivité secondaires à ces lésions très spécifiques et parfois très limitées, ce qui permet de renforcer l’idée d’une origine organique de l’hyperactivité »( p . 39).
  • Par ailleurs, A. Towbin (1980), ou encore G.A. Neligan et al. (1976), à la suite d’observation d’enfants prématurés ou de petit poids de naissance ont mis en évidence que des complications périnatales pouvaient causer de fines lésions cérébrales dans les régions profondes du cerveau, microlésions engendrant hyperactivité et distractivité.
  • Selon R.A. Barkley (1999), 10 à 15 % des personnes TDAH présentent une atteinte cérébrale causée par des complications périnatales comme l’exposition à la cigarette ou à l’alcool et 3 à 5 % ont subi des dommages cérébraux à la suite de complications postnatales comme l’infection, le traumatisme crânien ou l’anoxie ( cité dans le Rapport du comité-conseil sur le TDAH et sur l’usage de stimulants du système nerveux central, Québec, 2000, p. 7).
  • C’est ainsi que des atteintes de diverses régions, structures et réseaux neuronaux, entraînent des symptômes d’hyperactivité, d’impulsivité, d’inattention, de distractivité, d’irritabilité, d’agressivité, d’opposition, de comportements destructifs et antisociaux ressemblant sémiologiquement à ceux que l’on retrouve dans le TDAH. Ces régions, structures et réseaux neuronaux sont : les régions frontales et préfrontales, les ganglions de la base ( le noyau caudé et le putamen formant le striatum, le globus pallidus, la substance noire et le noyau subthalamique) ainsi que le locus coeruleus et l’aire tegmentale ventrale.
  • Les ressemblances comportementales observées dont nous avons fait état, ont conforté la plupart des cliniciens dans l’idée que le TDAH était bien causé par une atteinte cérébrale, pouvant être certes minime, mais atteinte cérébrale quand même.
  • Comme le souligne le Document de soutien à la formation (2003), cette hypothèse étiologique (d’atteinte cérébrale mineure) « est encore d’actualité, quoique nuancée. On ne peut plus faire de relation de cause à effet uniquement à partir de la symptomatologie. Les atteintes subies par le cerveau en période périnatale ou postnatale peuvent cependant expliquer, dans certains cas, le portrait clinique rattaché au TDAH » (p. 55) (c’est nous qui soulignons).
  • C’est ainsi que R. Dubé (1992) précise que « l’entité atteinte cérébrale légère comporte sa part de vérité et il existe probablement des enfants à qui elle s’applique avec justesse. Mais il est impossible actuellement de distinguer ceux-ci parmi tous ceux qui présentent des symptômes similaires. De plus, l’hyperactivité ne semble pas être le symptôme le plus caractéristique d’une atteinte cérébrale même légère. En fin de compte, le problème ne vient pas du fait que la notion soit fausse, mais de l’utilisation souvent abusive que l’on en fait pour classifier des enfants présentant des problèmes divers » (p. 14).

Utilisation abusive sans nul doute oui, car d’un autre côté ……..

  • Des chercheurs comme Rutter et al. (1983, 1970a, 1970b), entre autres, ont montré que les sujets présentant des atteintes cérébrales (épilepsie, paralysie cérébrale, traumatisme crânien grave, etc..) ont 5 fois plus de risque de développer un trouble psychopathologique que les autres (30 % contre 6 %) (Rutter et al. (1983). Comme l’indique alors R. Dubé (1992) « la relation est solide et logique, mais elle n’est pas spécifique de l’hyperactivité. Les troubles de la conduite et les désordres affectifs d’autre nature restent les diagnostics le plus souvent posés chez les enfants avec ou sans atteinte neurologique (Rutter et al., 1970b). Les enfants ayant souffert d’une atteinte cérébrale sont plus sujets à l’hyperactivité, mais ils sont aussi plus portés aux comportements d’hypoactivité ou de persévération (Rutter et al., 1970a). L’hyperactivité n’est donc pas pathognomonique d’une atteinte cérébrale » (R. Dubé, 1992, p. 39). ( Pathognomonique : « Caractéristique ou indicatif d’une maladie. Caractérise le symptôme qui se rencontre seulement dans une maladie déterminée et qui suffit à en établir le diagnostic » (L. Bérubé (1991), p. 131).
  • L’hypothèse étiologique des « complications périnatales », quant à elle, énonçant que ces dernières peuvent causer des lésions et ainsi modifier le comportement et les capacités d’attention souffre de la même faiblesse : « Des recherches ont montré que les complications à la naissance ne sont pas toujours de bons indices de l’apparition d’un TDAH ( Nichols et Chen, 1980 ; Werner et Smith, 1977 ; Sameroff et Chandler, 1975, cités dans Dubé, 1992) et qu’une bonne proportion des individus présentant ce trouble n’ont pas subi de complications particulières à la naissance » ( Document de soutien à la formation, 2003).
  • Ainsi, bien des enfants TDAH ne présentent aucune atteinte cérébrale, même mineure, de quelque origine et de quelque nature qu’elle soit. Toutefois, nous ne saurions trop insister sur l’absolu nécessité, face à une sémiologie « ressemblant » à celle du TDAH, dans le cadre du nécessaire diagnostic différentiel, de soigneusement rechercher des éléments d’atteintes cérébrales périnatales ou postnatales.

2) L’hypothèse d’une dysfonction cérébrale minime

  • Dès 1962, confirmant le fait qu’une majorité d’enfants présentant le tableau clinique d’hyperactivité et de déficit attentionnel au sein du milieu scolaire comme au sein du milieu familial, ne présentaient pas, par ailleurs, une atteinte cérébrale objectivable, un groupe de chercheurs regroupés au sein de l’ Oxford International Study Group on Child Neurology (groupe international d’étude de neurologie infantile d’Oxford) déclara que l’on ne pouvait pas conclure à une atteinte cérébrale mineure seulement à partir de la présence de comportements dysfonctionnels ou inadaptés. « Les participants à cette conférence ont admis que le terme « atteinte » (damage) suppose des modifications anatomiques et ont souligné l’impossibilité d’en confirmer la nature » (R. Dubé, 1992, p. 13), (chez tous les enfants TDAH, préciserons- nous).
  • C’est donc l’impossibilité de mettre en évidence une lésion définie ou une anomalie structurale du cerveau comme caractérisant l’origine du TDAH qui incita les chercheurs à proposer l’hypothèse d’une altération des fonctions cérébrales.
  • C’est ainsi qu’en 1966, S.D. Clements, après avoir répertorié « 40 termes différents utilisés au cours des décennies précédentes pour décrire des enfants partageant des caractéristiques communes (…), afin de rallier les points de vue (…) propose la désignation plus globale de « dysfonction cérébrale minime », (… ce diagnostic étant alors réservé…) aux enfants d’intelligence normale qui présentent des problèmes de comportement ou d’apprentissage d’intensité variable et associés à des dérèglements du système nerveux central, dérèglements qui se manifestent par des difficultés de perception, d’abstraction, de langage, de mémoire, d’attention et de contrôle de la motricité. Ce type de difficultés peut être relié à des maladies neurologiques comme l’épilepsie, la paralysie cérébrale ou le retard mental » ( R. Dubé, 1992, pp. 14-15).
  • Comme le note le Document de soutien à la formation (2003), K.C. Conners (2000) stigmatise bien le fait que « l’idée principale ( de S.D. Clements) revient à ce que G. Still avait affirmé (dans ses travaux postérieurs à 1902) en décrivant le trouble comme un manque de contrôle de l’impulsivité et de l’attention avec des difficultés motrices et développementales ».
  • Sans doute parce qu’elle a voulu faire consensus, cette désignation de « dysfonction cérébrale minime », très neurologique de surcroît, a fini par ne satisfaire personne vers la fin des années 80, dans la mesure où elle englobait trop de sous-ensembles cliniquement différents. Ainsi, on retrouve dans la classification des syndromes de dysfonction cérébrale, d’une part, pour ce qui relève du syndrome léger, des difficultés de motricité fine, des anomalies EEG sans convulsions vraies, des difficultés d’attention, un mauvais contrôle des impulsions, une faible modulation de l’activité et de l’affect, des déficits cognitifs, des difficultés visuelles, auditives ou langagières, et d’autre part, pour ce qui est du syndrome grave, la paralysie cérébrale, l’épilepsie, l’autisme et autres troubles du comportement, le Retard mental, la cécité, la surdité et l’aphasie…….
  • Parmi ces sous-catégories cliniques, se trouvait donc le syndrome hyperkinétique (association d’hyperactivité, d’impulsion et d’inattention) que S.D. Clements décrivait « comme un problème s’inscrivant dans l’entité plus large qu’est la dysfonction cérébrale minime » ( R. Dubé, 1992, p. 16).
  • Tout en ayant été abandonnée du point de vue de la conception qu’en avaient S.D. Clements et ses continuateurs, cette notion de dysfonction cérébrale minime à l’origine du TDAH a néanmoins ouvert la voie à de nouveaux et décisifs travaux de recherche relatifs à l’hypothèse d’une origine fonctionnelle neuropsychologique, voie de recherche tout à fait actuelle sur…….

Les dysfonctions cérébrales associées au TDAH

  • C’est ainsi que des recherches récentes ou actuelles ont pu mettre en évidence que « les principaux déficits du TDAH (étaient reliés) à des régions du cerveau (entre autres, le lobe frontal, ses connexions avec les ganglions de la base, et leurs liens respectifs avec le cérébellum) » ( Consensus International, 2002).
  • « Des études neurologiques mettent en évidence que les personnes TDA/H ont des activités électriques moindres et démontrent une moins grande réactivité aux stimuli dans l’une ou plusieurs de ces régions » (Consensus International, 2002).
  • « Des études d’imagerie cérébrale de groupes de personnes TDAH démontrent également que certaines régions du cerveau sont moins grandes chez ces personnes et que les activités métaboliques sont moins grandes dans ces régions comparativement à des groupes de contrôle » ( Consensus International, 2002). Il est fait notamment allusion ici aux données neurochimiques que nous allons aborder dans un instant.
  • L’implication des réseaux frontaux et préfrontaux a été également confirmée par les techniques de neuroimagerie fonctionnelle : les personnes TDA/H présentent une hypofonctionnalité de ces réseaux qui disparaît quasi complètement sous médication par Ritaline notamment.
  • Par ailleurs, les réseaux neuronaux mobilisés dans le traitement des informations visuelles et sonores sont comme « débordés »… chez les personnes TDAH.

Bibliographie

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