Plaisirs, émotions et addictions
Les addictions comportementales supposent la perte du contrôle des mécanismes naturels et la recherche du plaisir et l’évitement de la souffrance. Elles sont aussi associées à une de gestion défaillante des émotions positives et négatives.
Dans les addictions aux produits, les drogues viennent se greffer sur les voies du plaisir. Ce sont de véritables « leurres pharmacologiques », qui prennent la place des neuromédiateurs naturels. Nous sommes fabriqués pour être dépendants d’autrui notamment et les drogues interfèrent avec ces mécanismes de dépendance.
Les mécanismes de plaisir qui sont impliqués dans la récompense et le souvenir de ce plaisir implique le cortex mésolimbique et l’hippocampe qui est le lieu de la mémoire des faits et des lieux dans le cerveau. Plus un objet ou une situation apportent une récompense sous forme de plaisir fort, plus rapidement ils ont mis en mémoire pour être recherchés et répétés. L’amygdale (pas les amygdales de la gorge) permet de percevoir la valeur émotionnelle et sert de réservoir de la mémoire émotionnelle. La mise mémoire est modulée par les endorphines, endocannabinoïdes, GABA/glutamate et corticoïdes.
L’une des hypothèses actuelles est que la vulnérabilité aux addictions serait due au dysfonctionnement du système de récompense dopaminergique. Dans l’aire tegmentale ventrale, la voie de signalisation des récompenses chez les personnes ayant un TDAH engagerait un faible taux de récepteurs à la dopamine (RD2) ainsi qu’une moindre sensibilité aux « renforçateurs naturels », et aux renforçateurs différés (Matthes Nature 1996, Maldonado Nature 1997, Ledent Science 1999).
Le lien entre addictions et TDAH
La prévalence du TDAH est de 6% à 9% chez l’enfant et de 5% chez l’adulte et celle de l’usage de substances psychoactives (SPA) est de 10% à 30% chez l’adulte.
Les facteurs individuels tels que les facteurs psychologiques, génétiques et neurobiologiques jouent ont une influence forte sur les risques d’abus/dépendance. De même, des facteurs environnementaux tels que les facteurs périnataux, familiaux non génétiques et les facteurs sociaux sont impliqués dans la dysrégulation de la dopamine et influent fortement sur les phases d’initiation/expérimentation. Ce sont ces mécanismes qui pourraient aussi être impliqués dans l’addiction chez les personnes ayant un TDAH. Il semble par exemple qu’un sous-groupe de TDAH peut être vulnérable au développement de dépendance aux jeux vidéo (S. Bioulac 2008).
Les personnes ayant un TDAH ont un risque plus important d’usage abusif de substance à partir de 17 ans (x8). En effet, 30 à 50% des adolescents abusant de substances ont un TDAH. Le TDAH raccourcit le délai de première consommation comme dans la consommation de tabac qui débute en moyenne deux ans plus tôt. De même, la dépendance tabagique est doublée chez les adultes jeunes ayant un TDAH (40% au lieu de 19%). Enfin, le tabagisme est plus important et l’arrêt plus tardif avec un syndrome de sevrage plus intense en présence de TDAH (Manuzza 1993,1998 ; Chilcoat 1999 et Horner 1997).
Enfin, au début de l’âge adulte, le risque d’abus de substances est 2-5 fois plus grand chez les TDAH que chez les contrôles. Le TDAH est associé à une consommation plus sévère et à des difficultés de sevrage plus importantes. Le cannabis est de loin la molécule la plus consommées chez l’hyperactif qui agit comme un sédatif calmant le corps et l’esprit (Biederman 1998, Murphy et Barkley 2002. En ce qui concerne la consommation d’alcool, dans les groupes d’alcooliques en cours de sevrage, 33% des adultes ont un TDAH (Wood 1983). Le TDAH a un impact négatif sur l’évolution de la maladie alcoolique (début à 14 ans au lieu de 18 ans, abus 19/24 et dépendance 26/33) (Ercan 2003). En revanche, le tabac est une automédication car il apporterait une action anxiolytique.
Chez les personnes dépendantes des opiacés, 22% ont des antécédents de TDAH dans l’enfance et 88% d’entre eux ont les symptômes à l’âge adulte (Eyre 1992 et King 1999). EN ce qui concerne la consommation de cocaïne, 35% des cocaïnomanes avaient un TDAH dans leur enfance et 50% en ont un à l’âge adulte, ils ont commencé la consommation plus jeune, avec un usage plus intense et ont un devenir péjoratif (Carll et Rounsaville 1993, Clure 1999 et saules 2003). Chez les polytoxicomanes, il n’y a pas de préférence pour la cocaïne (Levin 1998) et la consommation de cocaïne n’est pas plus importante que celle du TDAH (Clure 1999). Enfin, il n’y a pas d’attirance spécifique pour la cocaïne chez les toxicomanes avec des antécédents de TDAH même chez ceux ayant reçu des psychostimulants. La différence fondamentale entre les cinétiques d’action de la cocaïne et du méthylphénidate est que ce dernier n’entraîne pas le flash qu’apporte la cocaïne (Volkow 1995). De trop fortes doses de méthylphénidate entrainent de la dysphorie et des mouvements involontaires stéréotypés (Volkow 2003). Les études sur des TDAH traités ou non traités par des psychostimulants qui consomment des drogues, les drogues consommés sont identiques (Chilcoat et Breslau 1999). Des études portant sur des populations traités par MPH, treize ans après le traitement par le methylphenidate, il n’y a pas d’augmentation du risque d’abus mais au contraire un rôle protecteur (Fischer & Barkley 2003).
Enfin, la question se pose aussi de l’usage des médicaments à base de méthylphénidate chez les toxicomanes pour remplacer la cocaïne qui reste rare (Garland 1998, Faraone 2004). AU contraire, le traitement par méthylphénidate des cocaïnomanes ayant un TDAH diminue le besoin en cocaïne et il ne semble pas y avoir d’abus de méthylphénidate.
Comorbidités
Le TDAH associé aux troubles comorbides tels que le trouble des conduites (x13) ou le trouble bipolaire ou une personnalité antisociale qui augmentent le risque d’avoir également de l’alcoolisme (40%). Le pattern de consommation est similaire à celui de la population générale avec le tabac, l’alcool et le cannabis. Il n’a pas de préférence pour des stimulants de la part des personnes ayant un TDAH.
Le TDAH représente une condition de haut risque addictif car l’impulsivité, l’agressivité précoce, le trouble comorbide des conduites, la persistance des symptômes et leur sévérité ainsi que les antécédents familiaux de trouble des conduits et toxicomanie (Molina 2003) sont des facteurs influençant). Il a été montré un lien entre polymorphisme fonctionnel du promoteur du gène du transport de la sérotonine (5HTTLPR) et le TDAH dans les comportements violents (Retz W 2009).
Repérage et prévention
Le repérage des situations à risque permet un repérage précoce et une prise en charge adaptée. Les traits de personnalité tels que l’impulsivité et l’agressivité et les facteurs de risques environnementaux tels que les facteurs de risque familiaux, la socialisation et l’échec scolaires, surtout pour les jeunes ayant des troubles attentionnels importants sont des facteurs à prendre en compte.
Il est donc nécessaire de mettre en place une formation en addictologie des professionnels concernés. La prévention de la consommation chez les femmes enceintes pour prévenir les risques neurodéveloppementaux RCIU et des risques de dépendance tabagique /descendance adulte.