L’école

L’enfant hyperactif, qui est-il ?

La gestion mentale peut-elle faciliter son intégration scolaire ? par Nicole HENRY-DEGROOTE, sophrologue et formatrice en gestion mentale.

I. Il y a 10 ans, j’ai découvert l’hyperactivité grâce à Pierre et à Paul

J’ai rencontré Pierre dans un cours de remédiation.

Il présentait de grandes difficultés de concentration et semblait monté sur ressorts.

Il voulait répondre aux questions avant même que les énoncés ne soient terminés.

Il restait néanmoins coi, comme perdu, quand il s’agissait d’y répondre, s’énervant et gesticulant parce qu’il avait oublié ce qu’il voulait dire. Il n’y avait pourtant chez Pierre aucune agressivité, et il n’avait nullement l’esprit frondeur. Sa bonne volonté était évidente, mais extrêmement envahissante.

Pierre a réussi à terminer sa scolarité grâce à un encadrement familial aimant, mais rigoureux, à l’ouverture de ses professeurs à l’hyperactivité et aux souffrances qu’elle entraîne.

Pour Paul, le parcours fut beaucoup plus difficile.

Incapable de se plier à la discipline scolaire, c’est déjà en première année primaire que ses difficultés commencèrent. Terminer un exercice d’écriture relevait du défi. Quand, à force de patience, son institutrice arrivait à lui faire poursuivre son premier effort, le tracé devenait de plus en plus incisif, puis tranchant jusqu’à ce que la pointe du crayon traverse le papier.

Cette année-là, son institutrice, patiente au delà de la norme, mit les difficultés de Paul sur le compte de problèmes familiaux et d’un manque de maturation physique et psychique.

L’année suivante, l’instituteur de deuxième année primaire fut prévenu des problèmes de Paul, mais il décida de mettre au pas cet enfant turbulent. Les exercices que Paul ne parvenait pas à terminer en classe devaient être continués pendant la récréation, voire pendant le cours de gymnastique. Si malgré tout son quota d’exercices n’était pas atteint, c’était à la maison que Paul devait se mettre à jour.

La tension montait et les punitions pleuvaient à l’école. Paul devenait agressif, faisait des crises de colère, se roulait par terre. L’engrenage de la frustration s’étant mis en route, la situation ne pouvait que dégénérer : mots virulents dans le journal de classe, convocations de la maman, souffrance, incompréhension…jusqu’au jour où la directrice, l’instituteur et la déléguée du centre PMS déclarèrent Paul inapte à recevoir un enseignement normal. Ils décidèrent qu’il fallait absolument orienter cet enfant caractériel vers l’enseignement spécial !

La maman de Paul, stupéfaite, découvrait, dans ces griefs unanimes, un enfant qu’elle ne connaissait pas. Lui, si affectueux, si gai, pouvait-il être cet élève irascible, violent et incapable dont on lui parlait ?

Grâce à la ténacité de sa maman qui s’instruisit progressivement sur ce qu’était l’hyperactivité, Paul fut orienté vers un pédopsychiatre et subit de multiples examens médicaux. Ceci lui permit de bénéficier d’un traitement à la Ritaline. C’est ce traitement sous haute surveillance médicale qui aida Paul à continuer une scolarité difficile, mais aboutie, dans l’enseignement primaire normal.
Pierre et Paul étaient des hyperactifs primaires. Devant les difficultés d’attention que présentent la majorité des enfants hyperactifs de ce type, j’ai mis en pratique les principes de gestion mentale dans une approche plus pointue du geste fondamental d’attention.

Par ailleurs, vu la souffrance et le désarroi des parents, j’ai cherché à comprendre ce qu’était ce handicap et à en cerner le profil. Cela m’a permis par la suite d’identifier des signes d’hyperactivité chez des enfants avec lesquels je travaillais en dialogue pédagogique individuel. J’ai ainsi pu en parler avec les parents, afin qu’ils s’orientent éventuellement vers leur médecin et en informe les professeurs.

Pour le bien des enfants, il me semble important que les enseignants, dès la maternelle, puissent rapidement reconnaître des signes d’hyperactivité chez leurs élèves « turbulents et perturbateurs ». Ils pourront alors ouvrir un dialogue constructif avec les parents, les orienter éventuellement vers leur médecin, leur apporter un appui psychologique en les déculpabilisant, mais surtout aider l’enfant par une attitude adéquate, au sein de l’école et en classe en particulier.

J’espère que cet article pourra y contribuer.

Avant d’écrire mon expérience dans ce domaine avec une quinzaine d’enfants, il m’apparaît bon de commencer par définir les diverses catégories d’enfants hyperactifs.

II. Qu’entend-on par hyperactivité ?

L’enfant hyperactif est agité, il est toujours en mouvement. Il ne peut rester tranquille. Il chipote à tout, mais ne peut s’arrêter à quelque chose.

Il semble toujours sur le qui-vive et paraît mont sur des ressorts.

Il intervient sans cesse dans les conversations et les activités des autres.

En classe, c’est un « perturbateur ».

L’hyperactivité se marque souvent très tôt (4-5 ans), mais peut néanmoins apparaître à tout moment dans l’évolution de l’enfant vers l’adolescence (13-14 ans). C’est dire à quel point l’enfant hyperactif peut être handicapé pendant cette période de la vie qui est celle des apprentissages scolaires de base.

Il y a lieu de distinguer deux types d’hyperactivité : l’hyperactivité primaire (10 %) et l’hyperactivité secondaire (90 %). Cette dernière est toujours la conséquence d’un autre trouble. Pour pouvoir traiter efficacement une hyperactivité constatée, il faut donc commencer par en déterminer si possible l’origine.

1. L’hyperactivité secondaire

On peut aussi la qualifier « d’hyperactivité normale » ou d’hyperactivité « réactionnelle » : il est en effet normal qu’un enfant qui est conscient de son impuissance devant une situation s’agite, se mette en colère, se révolte. Dans ce cas, trouver l’origine de son problème permet de le traiter.

a. Chez l’enfant en classe maternelle

L’hyperactivité peut être la conséquence de troubles instrumentaux :

  • Un enfant qui entend mal peut s’énerver parce qu’il ne comprend pas, ou de travers, ce qu’on lui demande. Comme il ne répond pas à la consigne, il peut devenir l’objet de réprimandes injustes « Dépêche-toi, tu traînes », et s’agiter.
  • Un enfant qui voit mal, peut s’agiter parce qu’il ne peut réaliser un exercice de graphisme ou de reconnaissance de symbole. Il peut être maladroit, s’énerver ou sembler distrait, sans pour autant en être vraiment responsable.
  • Un enfant qui n’arrive pas bien à s’exprimer peut essayer de se faire comprendre en gesticulant et ainsi présenter des signes d’hyperactivité. Cette difficulté dans la communication peut être due à un trouble fonctionnel du langage ou être imputable à un retard du développement. L’un et l’autre doivent être détectés le plus rapidement possible.

De plus, tous les phénomènes qui peuvent entraver la quantité et la qualité du sommeil de l’enfant peuvent entraîner des phénomènes, non seulement de somnolence diurne, mais beaucoup plus souvent d’hyperactivité.

En outre, l’insuffisance ou l’incontinence de limites au niveau parental peut entraîner des réactions de non-respect des normes, de colère, de dissipation et d’agitation, qui sont des signes d’hyperactivité.

b. Chez l’enfant de 5 à 12 ans

L’hyperactivité peut être liée à des problèmes dans l’utilisation de ses capacités : ses organes des sens fonctionnent bien, mais il y a des difficultés d’enregistrement du message et dès lors de sa restitution (dyslexie, dysorthographie, dyscalculie, etc…). il s’agit de troubles relevant de la logopédie, de l’audiophonie, de la psychomotricité (difficultés motrices, globales ou fines).

Ces troubles peuvent bien entendu s’ajouter à ceux cités dans l’alinéa précédent.

c. Chez l’adolescent

L’hyperactivité peut provenir ici de réactions à l’environnement : mauvaise image de soi, anxiété, dépression. Contrairement à l’adulte, l’adolescent dépressif ne se referme pas toujours sur lui-même, mais peut présenter des signes d’hyperactivité.

L’hyperactivité peut aussi être liée à un contact avec la drogue, à un abus d’alcool ou à la consommation de certains médicaments.

Elle peut aussi provenir des nombreux conflits propres à l’adolescence ou à une mauvaise intégration scolaire, qui entraîne la révolte, le rejet de l’école, etc…

2. L’hyperactivité primaire

Moins fréquente que l’hyperactivité secondaire, c’est celle qui se présente sans qu’aucune des causes précitées n’ait pu être trouvée. Elle est appelée « Attention Deficit with Hyperactivity Disorder » (ADHD) ou « Syndrome hyperkinésique ». Ces appellations sont parlantes et caractérisent de fait l’enfant hyperactif primaire par trois termes : « inattention - impulsivité - hyperkinésie ».

L’hyperactivité primaire se manifeste par le fait que l’enfant a des difficultés isolées à se concentrer et à avoir des capacités d’attention correctes. Cette incapacité à se concentrer sur une activité précise se marque par un changement continuel de tâches et le fait que l’enfant est incapable de rester en place.

Il s’agit bien ici d’un déficit isolé de l’attention et de la concentration. Par contre, la capacité intellectuelle de l’enfant est dans la norme. C’est ce déficit d’attention qui entraîne presque toujours de grosses difficultés d’insertion scolaire.

+ Dans tous les cas où l’on constate de l’hyperactivité, il est important de faire examiner l’enfant par un spécialiste, car il existe des normes bien établies qui lui permettront de voir clairement si l’enfant a ou n’a pas les capacités d’attention et de concentration d’un enfant de son âge.

3. Critères d’identification d’enfant hyperactivité ADHD

a. Symptômes d’inattention - difficulté de concentration (au moins 6 doivent persister 6 mois)

  • L’enfant ne parvient pas à porter d’attention soutenue aux détails, ou fait des fautes d’inattention dans ses tâches scolaires et autres.
  • L’enfant éprouve des difficultés à soutenir son attention dans des tâches qu’il effectue, ou dans des jeux.
  • L’enfant semble ne pas écouter quand on s’adresse à lui.
  • L’enfant ne parvient pas à écouter les consignes données ; il termine difficilement un travail commencé (sans volonté d’opposition, ni par manque d’intelligence).
  • L’enfant organise ses activités avec difficulté.
  • L’enfant évite ou déteste les tâches qui exigent un effort mental soutenu.
  • L’enfant est facilement distrait par des stimuli externes.
  • L’enfant fait de fréquents oublis.

b. Symptômes d’hyperkinésie - impulsivité (au moins 6 devant persister 6 mois)

Hyperkinésie :

  • L’enfant ne reste pas en place, il gigote sans arrêt.
  • L’enfant ne reste pas assis là où il devrait.
  • L’enfant court et grimpe quand il ne faut pas.
  • L’enfant est incapable de s’engager calmement dans des jeux et des activités de loisir.
  • L’enfant est souvent « en route », comme perpétuellement animé par un moteur puissant
  • L’enfant est souvent très bavard.

Impulsivité :

  • L’enfant lance souvent une réponse avant d’écouter la question entière.
  • L’enfant éprouve souvent des difficultés à attendre que son tour arrive.
  • L’enfant interrompt souvent les autres, ou fait intrusion dans leurs activités.

c. Certains de ces symptômes doivent s’être installés avant l’âge de 7 ans.

A noter qu’il arrive qu’un diagnostic d’hyperactivité ADHD soit posé chez des enfants plus âgés, chez qui on n’avait pas pensé à l’ADHD auparavant, parce qu’ils avaient relativement « bien fonctionné » jusqu’alors. Ce sont pratiquement toujours des enfants intelligents, avec une personnalité saine, vivant dans un environnement normal, et qui ont « compensé » leurs difficultés d’apprentissage et d’attention grâce à leur entourage favorable.

d. Certains de ces symptômes et les inconvénients sociaux qu’ils entraînent doivent se manifester dans deux endroits de vie de l’enfant (par exemple en classe et à la maison).

e. Les symptômes ne sont pas provoqués par un désordre psychiatrique connu (par exemple trouble de l’humeur, angoisse, psychose).

4. Situation de l’enfant hyperactif

Afin de bien faire comprendre la situation perceptive de l’enfant hyperactif primaire, je reprends ci-après deux situations décrites dans le livre ‘ « Du calme ! »(Théo Compernolle - Editions de Boeck & Belin) :

  • Imaginez-vous au volant de votre voiture, il fait nuit. Il pleut tellement fort que vos essuie-glaces n’arrivent plus à évacuer l’eau. Vous êtes dans une ville que vous ne connaissez pas, les enseignes lumineuses clignotent de tous côtés, les phares des voitures venant en sens inverse vous aveuglent, des piétons peuvent traverser à tout moment…et vous cherchez votre chemin. Dans une telle situation, est-il étonnant que vous brûliez un feu rouge ? En toute bonne fois, vous ne l’avez vraisemblablement pas vu. Pourtant, vos yeux fonctionnent bien.

Dans cet ensemble de stimuli visuels, vous n’étiez pas en position d’effectuer le tri, il s’imposait à vous, créant certainement une situation de stress.

  • De même, lorsque vous étiez en réunion, dans un local qui résonne, où parviennent les cris et les bruits de la rue, où de surcroît tout le monde parle en même temps, vous devez faire preuve d’une concentration intense pour comprendre votre interlocuteur. Cette concentration, cette attention, vous ne pouvez la maintenir longtemps ! Je vous laisse imaginer votre réaction lorsque vous serez arrivé à saturation.

Par ces deux exemples, vous pouvez approcher la situation de l’enfant hyperactif primaire et l’une des causes de son déficit d’attention : c’est 8 heures par jours et 7 jours sur 7 qu’il se trouve confronté à la saturation d’information. Ce problème est majoré chez lui par sa difficulté à faire la différence entre l’essentiel et l’accessoire, le sujet et le décor, le fond et l’avant-plan.

La principale difficulté cognitive rencontrée par l’enfant hyperactif est un problème de sélection des stimuli perceptifs : il ne choisit pas le stimulus qui va faire l’objet de son attention, tous s’imposent à lui sans préséance. Il ne semble jamais en projet d’attention, et pourtant il est capable d’évoquer.

Dans la majorité des cas et quand des conditions optimales sont réunies, j’ai pu observer la qualité exceptionnelle de leurs images mentales visuelles : elles sont d’une grande fiabilité ! Les enfants hyperactifs avec qui j’ai pu travailler ont en outre une bonne gestion de l’espace, mais une mauvaise gestion du temps et de la séquentialité.

C’est mon expérience avec des enfants hyperactifs en âge d’école primaire que je vais maintenant décrire, car c’est l’âge des apprentissages de base, l’âge où le problème devrait assurément être cerné, afin que l’enfant hyperactif bénéficie le plus tôt possible de toutes les aides appropriées.

III. L’enseignant - l’instituteur face à l’enfant hyperactif

Il est primordial que l’instituteur crée, le plus rapidement possible, des conditions optimales autour de l’enfant hyperactif.

Bien évidemment, pour réagir de manière adéquate, l’instituteur doit d’abord connaître le problème. Cela implique qu’il soit non seulement au fait des symptômes d’hyperactivité et en ait une approche théorique, mais qu’il soit aussi informé de tout ce qui concerne l’enfant : a-t-on déjà posé un diagnostic d’hyperactivité ? Dans ce cas, qui suit l’enfant (la famille, le médecin) ? Quelles activités de soutien sont mises en place. L’enfant prend-t-il des médicaments ?

Néanmoins, cette information ne suffit pas, il faut aussi que l’instituteur accepte le handicap de l’enfant hyperactif ! Sans cela, face à l’agitation « perturbatrice » de celui-ci, les risques d’intolérance deviennent trop grands et sont préjudiciables à l’enfant.

Ensuite, l’enseignement doit être adapté aux troubles de l’enfant : de la même façon qu’un enseignant installe un enfant mal voyant au premier rang de la classe et qu’il veille à ce que l’enfant porte bien ses lunettes, l’enseignant doit mettre l’enfant hyperactif dans un environnement favorable et adopter une attitude d’ouverture à ses difficultés.

De plus, je me permets aussi d’insister sur l’importance de la reconnaissance et de l’acceptation de l’enfant hyperactif au sein de l’école. J’ai en effet vu des enfants hyperactifs que l’on tenait fermement par la main durant toute la durée de la récréation « pour qu’ils ne dérangent pas les jeux de leurs camarades », ou que l’on privait par exemple d’activité de spectacle de marionnettes « pour qu’ils ne perturbent pas l’auditoire »…

Lorsque travaillant avec eux, je leur demandais s’ils savaient pourquoi, ils me répondaient « qu’ils étaient punis parce qu’ils étaient méchants », sans qu’ils se souviennent pourquoi « ils avaient été punis » !

IV. Comment la gestion mentale peut-elle aider l’enfant hyperactif ?

1. Travail individuel

Chaque fois que j’ai travaillé en dialogue pédagogique avec des enfants hyperactifs, j’ai impliqué intimement les parents dans la mise en place d’une stratégie de gestion mentale chez leur enfant.

a. Travail sur la perception, l’activité perceptive et l’évocation

Puisque l’enfant hyperactif semble incapable de faire un tri, que ses yeux virevoltent d’un objet à un autre sans pouvoir s’y accrocher, je lui demande de fermer les yeux. L’opération frise le comique tant il fait de grimaces, sauf si je peux l’amener à se concentrer sur ses perceptions internes.

Commence alors un travail de relaxation et de prise de conscience du corps :

  • Je lui fais sentir l’air qui entre et qui sort de ses poumons ou entendre les battements de son cœur. Quand il les perçoit, je lui demande de lever la main, sans ouvrir les yeux.
  • Dès qu’il est prêt (pour moi cela veut dire détendu et réceptif), je lui fais lire un mot d’orthographe difficile.
  • Je lui demande de refermer les yeux et nous travaillons ensuite sur son image mentale.

Jean pouvait voir les mots mentalement. Il pouvait les épeler en commençant par le début ou par la fin. Il pouvait me dire qu’elle était par exemple la 5ème lettre. Il pouvait agrandir les lettres ou en changer la couleur. Nous avons bien ri le jour où il m’a dit qu’il ne pouvait plus voir le mot parce qu’il l’avait trop agrandi et qu’il était sorti de l’écran.
Avec le temps, Jean arrivait à corriger ses fautes grâce à son retour à son image mentale, mais ce n’est qu’en fermant les yeux qu’il pouvait y avoir accès.

Dans les activités plus complexes comme la géométrie, Jean, les yeux fermés, utilisait aussi ses bras. Son cheminement mental pouvait paraître déconcertant pour une personne non avertie : il remontait toujours de sa dernière évocation vers sa première, pour revenir ensuite à l’ordre chronologique, c’est-à-dire celui donné dans son livre. L’exemple suivant est caractéristique de son activité mentale… et kinesthésique.

La leçon concernant les angles définissait d’abord l’angle aïgu, puis l’angle droit, puis l’angle obtus et enfin l’angle plat. Tout haut il disait : « Il y en avait un avant, l’angle obtus », et ses bras se refermaient légèrement. Il continuait : « Encore un autre, c’est l’angle droit » et ainsi de suite. Il finissait alors en disant : « Bon, maintenant, je recommence à l’endroit ».

Qui du professeur et des élèves aurait, en classe, la patience d’attendre l’heureuse issue de cette réflexion mouvementée ? Quelle frustration pour l’enfant qui connaît et que l’on interrompt en plein travail parce qu’il ne va pas au rythme voulu !

J’ai rencontré 3 grandes difficultés avec Jean :

  • Il ne pouvait faire ce travail que les yeux fermés. Dès qu’il les ouvrait pour essayer de trouver mon assentiment, il cassait le fil de ses évocations, pour repartir tout de suite en perception dissipée : « C’est quoi le truc sur ton étagère ? »
  • la deuxième difficulté était celle du transfert : Jean liait très fort ses activités à l’espace dans lequel il les pratiquait. C’était chez moi qu’il faisait de la gestion mentale, mais il refusait de l’utiliser chez la logopède ou à l’école : « Parce qu’à l’école, il faut faire attention » disait-il.
  • La troisième difficulté était la méconnaissance de l’hyperactivité par l’instituteur. Habitué à voir dans Jean un enfant distrait et remuant, l’instituteur coupa court à toute tentative d’évocation le jour où Jean chercha la réponse à la question qui lui était posée en levant la tête et en fermant les yeux. L’instituteur l’interrompit en disant : « Concentre- toi, Jean, ce n’est pas dans les nuages que tu trouveras la réponse »…

b. Dissociation de l’endroit de perception de l’endroit de restitution

Cette dissociation a pour but de susciter une évocation plus spontanément et de transférer une information d’un lieu vers un autre : par un transfert sur une certaine distance, l’enfant est obligé de maintenir une trace mentale de l’information à transporter, il est donc obligé d’évoquer.

L’exemple ci-après est significatif :
J’ai suggéré à Jacques d’utiliser la méthodologie suivant pour apprendre l’orthographe dune liste de mots :

  • Il devait mettre la liste des mots dans sa chambre et la feuille vierge pour les recopier dans une autre pièce près de sa maman.
  • Jacques lisait un premier mot et le mettait correctement dans sa tête. Il revenait ensuite près de sa maman.
  • Avant d’écrire le mot, elle lui demandait de fermer les yeux pour qu’il puisse « voir » le mot puis de l’épeler = travail de fixation ou de correction si nécessaire. Jacques pouvait facilement prendre mentalement un frotteur, effacer le mot et le corriger !
  • Alors seulement, il pouvait écrire le mot.
  • Et ainsi de suite pour toute la liste des mots à apprendre.

Ce travail peut sembler fastidieux, mais il donne de bons résultats :

  • après un certain nombre de mots, Jacques a enregistré plusieurs mots à la fois en un trajet,
  • son travail de concentration était facilité par la possibilité de « bouger » pendant les trajets.

Attention cependant à ne pas mettre trop de distance entre l’endroit de perception et celui de restitution, car l’enfant hyperactif risque d’oublier pourquoi il revient dans l’endroit de perception. Il m’est arrivé qu’un enfant ne revienne pas : il avait trouvé une BD sur son chemin.

c. Division du temps

L’objectif est ici d’apprendre à l’enfant à gérer son temps. Exercice que j’ai utilisé :
L’enfant doit manipuler lui-même une minuterie : lorsqu’il a une liste de calculs à effectuer, je l’aide à les diviser en petites séquences et à estimer le temps nécessaire pour les réaliser. Il décide alors de prendre par exemple 5 minutes pour faire 3 calculs et actionne la minuterie.
Il se met au travail et doit avoir fait les 3 calculs quand la sonnerie se déclenche. Il reprend alors 5 autres minutes pour faire les exercices suivants. Il peut ainsi se donner un rythme de concentration et de travail, la minuterie servant parfois de rappel à l’ordre lorsque ses évocations vagabondes lui font perdre toute notion du temps.

2. Travail en classe avec l’enseignant

Il est clair que l’approche précitée en travail individuel doit se prolonger en classe, lieu d’apprentissage par excellence. Pour que cela se fasse de façon optimale, une concertation avec les professeurs est indispensable.

Avec une grande ouverture d’esprit et une bonne structure, l’instituteur peut adapter les contraintes de la vie en classe au handicap de l’enfant.

  • Avant tout, l’enfant hyperactif a besoin d’un cadre rigoureux, de règles bien définies et faciles à comprendre, n’offrant aucune ambiguïté. Il ne comprend pas les nuances.
  • > Donnez-lui des objectifs précis et définis dans le court terme.
  • L’enfant hyperactif n’est jamais en projet d’attention.
  • Faites en sorte que l’enfant se mette en projet AVANT qu’une question ne soit posée et veillez à ce qu’il vous regarde.
  • Demandez-lui de rappeler à la classe les démarches à faire avant de répondre à une question.
  1. j’écoute la question,
  2. je formule mentalement la réponse,
  3. je lève le doigt.
    (Cette manière de procéder relève de la simple gestion mentale appliquée en classe !)
  • L’enfant hyperactif est impulsif, il a tendance à répondre sans réfléchir.
  • Proposez-lui de fermer les yeux, de respirer profondément et, après ce temps de silence, de répondre à la question.
  • Exigez qu’il pose son crayon, qu’il ferme les yeux, qu’il reformule mentalement la réponse avant de prendre son crayon et de l’écrire.
  • Comme il est impulsif et agité, il est facilement distrait. Sa concentration augmente avec la proximité du professeur (à condition que cette présence soit bienveillante).
  • Restez près de lui pendant les contrôles.
  • Il a des difficultés de concentration. Il a du mal à faire des exercices répétitifs.
  • Réduisez le nombre d’exercices dès qu’il montre qu’il a compris.
  • Réduisez sa charge de travail en fonction de ses capacités. En aucun cas, il ne faut lui demander de terminer à la maison ce qu’il n’a pu faire en classe.
  • Il a un besoin impérieux de bouger.
  • Quand vous sentez que la soupape va lâcher, envoyez-le porter un courrier, demandez-lui d’effacer le tableau ou toute autre activité qui permettra d’éviter l’orage.
  • Il a un besoin impérieux d’activités physiques.
  • La récréation et le cours de gymnastique sont essentiels à son équilibre et à la socialisation de l’enfant hyperactif. Soyez cependant plus vigilant, car les risques de dérapages sont plus grands dans ces activités.

Conclusion

Le lecteur aura déjà compris que je suis intimement convaincue que la gestion mentale est bénéfique aux enfants hyperactifs primaires, comme elle l’est pour tout enfant d’ailleurs. L’enfant hyperactif cependant a besoin d’un soutien plus important de l’enseignant, car il lui faut rappeler plus souvent qu’à un autre comment évoquer, puis comment trouver ses évoqués.

De plus, leur hyperactivité se manifestant aussi dans leur activité mentale, leurs images défilent sans qu’ils arrivent à les arrêter, sauf si l’on arrive à ralentir cette activité par un travail de relaxation. Cela constitue une tâche supplémentaire et peu aisée en classe pour l’enseignant.

A ce stade, l’enseignant pourrait utilement proposer que l’enfant soit en plus suivi individuellement (relaxation, dialogue pédagogique, etc…), d’une part, cela le déchargerait et, d’autre part, cela permettrait à l’enfant une avancée plus rapide.

Avant d’en arriver là, il y a deux obstacle à franchir : le manque d’initiation des instituteurs à la gestion mentale, ainsi que leur méconnaissance de l’hyperactivité et de ses conséquences sur l’apprentissage.

  • Le premier est dommageable à l’ensemble des enfants : la pratique de la gestion mentale n’est pas couramment appliquée dans le secondaire et encore moins dans le primaire. On peut raisonnablement se demander pourquoi ?
  • Quant à la seconde, il faut bien avouer que la connaissance de l’hyperactivité n’est pas fort répandue. Et quand bien même, ces enfants « insupportables » sont souvent trop vite abandonnés à leur triste sort ou alors mis au pas, ce qui peut être pire.

Pourtant, à l’école, ce qui est essentiel, c’est qu’il y ait de plus en plus d’enseignants d’exception qui approchent la gestion mentale et qui l’appliquent, et soient au fait des symptômes d’hyperactivité. Ils pourront alors partager mon enthousiasme, car tous les enfants hyperactifs avec lesquels j’ai pu travailler, étant impulsifs, expriment rapidement leur gratitude pour l’aide qu’ils reçoivent.

Quelle satisfaction pour l’enseignant !

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