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L’importance des premières consultations Pr Philippe MAZET

, par Pr Philippe Mazet

L’importance des premières consultations

Pr Philippe MAZET

Service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent – G.H. Pitié-Salpêtrière à Paris

Professeur émérite à la faculté de médecine

Les premières consultations revêtent une importance cruciale tant sur le plan de l’évaluation, une évaluation qui dépasse évidemment le seul problème du diagnostic du trouble, que sur le plan thérapeutique, et ce dès les premières interactions. Elles constituent une rencontre interpersonnelle entre un enfant, ses parents et un professionnel. Elles permettent de partager ce que chacun a dans la tête, concernant sa perception et sa compréhension des troubles, dans le contexte particulier de la consultation, mais aussi dans le contexte général des représentations sociales concernant le trouble.

Il me semble en effet que le trouble est maintenant bien connu, sans doute davantage sous l’angle de l’hyperactivité motrice que de l’inattention, volontiers baptisée à tort « trouble de la concentration » .

Les partenaires de la consultation

Les premières consultations doivent comprendre un temps où parents et enfant sont rassemblés, mais aussi un temps où l’enfant est vu seul et où l’on s’intéresse non seulement à ses troubles mais aussi à ce qu’il pense de lui-même, ses peurs, ses craintes, son sentiment d’échec, ses problèmes avec ses pairs, sa famille, etc… Ce premier contact avec l’enfant est fondamental pour le mettre en confiance et lui donner le sentiment qu’il pourra parler de lui. Les enfants avec TDAH souffrent en effet souvent d’un sentiment d’insécurité interne. Le temps avec les parents est tout aussi important : les parents ont beaucoup de choses à dire au sujet de leur enfant, au-delà même du trouble, même si les mots ont parfois du mal à venir.

Les professionnels ont également leurs propres représentations sur la genèse du Trouble, qui n’est pas une maladie ; elles ne doivent pas faire obstacle à notre écoute, notre disponibilité et notre empathie vis-à-vis de l’enfant et des parents. Nous devons éviter toute idée trop réductrice, simplificatrice et dogmatique, vis-à-vis d’un phénomène aussi complexe que le développement psychique avec sa triple détermination bio psycho sociale. Il faut en particulier éviter de confondre causes et mécanismes qu’ils soient d’ordre psychologique ou neurobiologique.

L’évaluation

Michel LECENDREUX a déjà beaucoup parlé de l’évaluation, notamment de la triade symptomatique : inattention, impulsivité, hyperactivité motrice. J’insisterai pour ma part sur la labilité émotionnelle : cette dimension émotionnelle et psychique n’est pas toujours suffisamment développée. Nous avons à nous interroger sur le contexte psychologique voire psychopathologique dans lequel s’inscrit ce trouble, dans sa dimension externalisée dans le comportement comme internalisée dans la souffrance psychique. La problématique de l’estime de soi est également cruciale : l’enfant doit construire une représentation de lui-même suffisamment positive pour faire face à ses difficultés d’apprentissage. Les modalités de l’évaluation recouvrent l’entretien clinique (avec l’appui possible de questionnaires en direction des parents et des enseignants et d’échelles), et selon les cas les bilans psychomoteur, psychologique, orthophonique et d’éventuelles investigations complémentaires.

Chaque enfant avec TDAH construit une combinaison très personnelle de ses modalités de fonctionnement et d’investissement de sa pensée et de son corps. Même s’il existe des orientations générales du projet thérapeutique, il est important pour nous, professionnels de santé, de mieux l’appréhender et de le respecter de manière singulière et individualisée.. Je veux évoquer ici Isabelle, une enfant de 7 ans, en CE1 rencontrant des difficultés d’apprentissage scolaire et notamment de lecture. Je l’ai rencontrée en consultation. Le contact est bon ; elle est souriante et gaie, mais l’on perçoit en elle un certain sentiment d’insécurité interne. L’un de ses dessins s’avère assez révélateur. Il est gai, coloré et vivant, et contient des déclarations d’amour plus ou moins partagées entre les personnages de celui-ci. Au bas du dessin figure néanmoins une inscription : « olé, ser tro lean » – comprendre « c’est trop lent ». Je serai amené à revenir sur cette lenteur qu’elle vit mal comme une tare féminine.

La dimension thérapeutique

Les consultations comportent une dimension psychothérapique (au sens large du terme) essentielle concernant l’enfant : comment lui montrer que l’on s’intéresse à ce qu’il vit et ce qu’il ressent, au-delà de ses symptômes ? Comment créer un climat où il puisse se sentir actif, acteur ? Comment favoriser une relation positive qui lui permette de porter et d’investir les approches thérapeutiques proposées (remédiation cognitive, thérapie psychomotrice, prescription médicamenteuse, consultations thérapeutiques ou travail psychothérapique plus systématisé), en association variable selon les cas.

Pour conclure, je souhaite insister sur l’accompagnement parental : il est difficile d’être parent d’un enfant ayant des difficultés de développement, en particulier sur le plan du narcissisme et de l’estime de soi. Le professionnel a un rôle essentiel à jouer en la matière, parallèlement à celui de soutien de l’Association HyperSupers.

A cet égard, compte tenu de la dimension pluridisciplinaire fréquente de la prise en charge, il est important de mettre en place un référent stable, gage de continuité bien nécessaire dans l’abord de ce trouble.

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