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Evaluation des fonctions neuropsychomotrices : contribution au diagnostic Laurence VAIVRE DOURET

, par Laurence Vaivre Douret

Evaluation des fonctions neuropsychomotrices : contribution au diagnostic

Laurence VAIVRE DOURET

Professeur des Universités en psychologie du développement à l’Université Paris-Descartes, Sorbonne Paris Cité et Inserm Unité 669, neuropsychologue clinicienne à l’hôpital Cochin

La plupart des évaluations sensori-motrices ou motrices disponibles actuellement apparaissent comme des « screenings » avec des notes globales de performance plutôt que comme des évaluations fines discriminatives permettant de mettre en évidence et de comprendre les processus neuro-développementaux sous-jacents qui sous-tendent les performances des fonctions neuro-psychomotrices, en lien avec la maturation du système nerveux central.

La plupart des évaluations sensori-motrices ou motrices disponibles actuellement apparaissent comme des « screenings » avec des notes globales de performance plutôt que comme des évaluations fines discriminatives permettant de mettre en évidence et de comprendre les processus neuro-développementaux sous-jacents qui sous-tendent les performances des fonctions neuro-psychomotrices, en lien avec la maturation du système nerveux central.

Notre étude est fondée sur des travaux pionniers dans le domaine de la neurologie française. Elle propose une batterie d’évaluations standardisées des fonctions neuro-psychomotrices (NP-MOT, ECPA), constituées d’épreuves identiques quel que soit l’âge, qui permettent d’étayer une approche développementale afin de distinguer un déficit d’un retard. Les épreuves permettent d’évaluer les stades normaux d’évolution des fonctions neuromotrices, neurosensorielles et d’intégration perceptive nécessaires à un bon niveau d’indépendance neuromusculaire et de coordination motrice. L’objectif est de repérer des troubles cérébraux mineurs, presque imperceptibles. Ils se manifestent par des maladresses voire une dyspraxie, une dysgraphie ou une hémiparésie souvent passée inaperçue, qui forment une comorbidité délicate à évaluer.

L’objectif de cette batterie d’évaluations est de comprendre la nature de la fonction qui est en jeu. Elle repose sur des examens déjà connus : la méthode d’examen du tonus préconisée par T. ANDRE-THOMAS et J. de ARJURIAGUERRA, ainsi que sur les travaux de E. GUILMAIN et G. GUILMAIN sur les tests psychomoteurs. Selon eux, ces tests devaient porter sur toutes les composantes motrices et permettre d’apprécier l’intégration des voies neuromotrices extrapyramidales qui organisent la motricité involontaire à l’état statique, au repos et en mouvement, les voies neuromotrices cérébelleuses qui organisent l’équilibration du corps, et les voies neuromotrices pyramidales qui contrôlent la motricité volontaire du corps.

L’examen du tonus est indispensable. Il est très simple à mener et permet non seulement de rendre compte du degré de maturation neuromusculaire, mais aussi de renseigner sur la typologie du sujet, noter le côté dominant à sa latéralité tonique et repérer les troubles neurologiques ou neuromusculaires mineurs sous-jacents à ces troubles du tonus, et qui peuvent passer inaperçus. On observe également les réactions émotionnelles pour repérer s’il existe des manifestations neurovégétatives : changement d’attitude, transpiration, accélération de la respiration, etc. L’examen du tonus est un examen clinique important, qui demande peu de participation active du sujet et peut être mené quelle que soit la pathologie de l’enfant.

Les variations individuelles sont évaluées de manière qualitative et quantitative pour rendre compte d’un niveau de maturation.
L’appréciation et la confrontation de l’ensemble des signes identifiés permettront de constituer des ensembles synchroniques en constituant des ensembles synchroniques et en les confrontant aux données d’anamnèse et aux éventuelles autres épreuves complémentaires. Cela permet de comprendre ce qui est mis en jeu dans la fonction troublée.

La grille des épreuves se compose d’épreuves du tonus, de la motricité globale, de la latéralité, des praxies bimanuelles ou manuelles, des gnosies tactiles, l’habileté oculo-manuelle, l’orientation spatiale droite-gauche, le rythme et l’attention auditive. Chaque secteur est évalué de manière indépendante l’un de l’autre : loin d’une note globale, la grille veut rendre compte de chaque fonction. Elle vérifie d’abord les mécanismes de base : si l’on part d’un type d’exercice plus difficile, l’enfant échouera, ce qui ne permettra pas de savoir si le problème est émotionnel, de coordination, d’apprentissage, etc.

Les épreuves ont été sélectionnées aux termes d’années d’études : elles permettent réellement de rendre compte des significations. Elles ne durent souvent que quelques minutes, mais sont indispensables pour comprendre la progression en matière de maturation. L’examen du tonus recouvre le ballant des poignets et des pieds, l’extensibilité des épaules, des poignets, etc. La motricité globale est appréciée au travers de la marche spontanée, la marche sur une ligne, la marche sur la pointe des pieds, le saut, etc. Le score atteint 40 % à l’âge de 4 ans, mais plus de 80 % des enfants mettent correctement un pied devant l’autre sans espace, une main sur la hanche, à l’âge de 5 ans et 9 mois. De même, plus de 88 % des enfants réussissent à 4 ans l’épreuve des gnosies tactiles digitales. Il est en revanche plus difficile de concevoir des tests pour des enfants plus jeunes.

Le deuxième cahier d’épreuves rend compte de l’habileté manuelle, de l’orientation spatiale droite-gauche, du rythme et de l’attention auditive. Ces épreuves sont individualisables : on peut n’en réaliser qu’une partie.
Les épreuves rendent compte de normes d’étalonnage, en moyenne et en écart-type ainsi que des notes standardisées car il est important de situer l’enfant par rapport à son groupe d’âge.

Prenons l’exemple de Jean, qui vient consulter pour trouble graphique majeur. Il présente un trouble de l’attention repérée et une lenteur de geste. Il a appris à marcher à 11 mois et n’a pas fait de quatre pattes. Il ne fait pas de jeux d’encastrement. Il est décrit comme angoissé : les tests psychologiques montrent un enfant qui manque de confiance en lui. Il a été testé à 5 ans et 5 mois avec un QI global de 116, un QI verbal de 122 et un QI de performance de 78. Toutes les notes sont largement au-dessus de la moyenne, voire au-dessus de 15, mais les cubes sont à 1, les matrices à 9, l’assemblage d’objets à 7, les symboles à 10, le code à 14. L’enfant bénéficie d’une prise en charge psychomotrice depuis trois ans ; on note une suspicion de trouble attentionnel et de dyspraxie développementale.
Le profil montre, dans les troubles du tonus, une spasticité distale droite aux membres inférieurs, qui rend compte d’un trouble de la motricité volontaire passée inaperçue chez cet enfant. La motricité globale est en échec à -2 écarts-types. Dans le domaine praxique, on identifie une lenteur plutôt à droite, mais sans trouble de planification ni de programmation du geste. Les gnosies tactiles sont intactes. La latéralité est affirmée aux membres supérieurs, mais la réponse est affirmée à droite sur le plan tonique pour les membres inférieurs, alors qu’elle devrait croisée et donc être dominante sur le membre inférieur gauche pour un droitier (jambe d’appui). L’examen fait ressortir des troubles moteurs de la coordination qui ne relèvent toutefois pas de la dyspraxie. S’agissant de l’oculomotricité, on constate une perte de poursuite avec micro-saccades. En matière de graphisme, l’écriture est totalement irrégulière, sans pour autant qu’il s’agisse d’une dysgraphie, même si le BHK rend compte d’une qualité et d’une vitesse moyennes. Les bases temporelles sont correctes. Les perceptions visuelles sont en échec à -1 écart-type sur le plan de la discrimination figure-fond, des gnosies visuelles et de l’imagerie mentale. L’intégration visuo-motrice est un peu faible par rapport à l’âge. La perception visuo-spatiale motrice se trouve dans la moyenne inférieure, mais reste correcte. Les fonctions mnésiques ne posent pas de problème au niveau auditif. Les fonctions exécutives sont performantes, voire supérieures à la moyenne. S’agissant des fonctions attentionnelles, les fonctions de lecture des mots sont en échec, mais le score d’interférence (test de Stroop) est bon.

Ainsi, Jean présente un trouble neurovisuel qui perturbe son attention visuelle associé à une hémiparésie droite discrète (trouble de la motricité volontaire) entraînant un trouble de l’acquisition de la coordination globale et de sa motricité fine à droite (notamment son trouble graphique). Une IRM cérébrale est souhaitable.

Ce cas montre l’importance de mettre en œuvre une batterie d’épreuves dans le domaine non verbal, notamment dans le registre neuro-psychomoteur à la base de l’organisation hémisphérique cérébrale afin de comprendre l’ensemble des troubles qui peuvent être associés et mettre en évidence l’origine et la nature des dysfonctionnements gênant les apprentissages. Ceci dans le but de mettre en place une prise en charge plus appropriée.


Questions de la salle

De la salle
Un lien peut-il être établi entre trouble de l’attention et une certaine tendance de ces enfants à avoir des éléments de monomanie, c’est-à-dire le fait de fixer leur attention de manière exagérée sur un élément ?

Maria Giovanna LIMONGI

On l’observe effectivement chez certains enfants, qui ont du mal à sortir d’une idée fixe.
De la salle
En tant que parent, comment savoir vers quel professionnel se tourner en premier pour le diagnostic ?

Michel LECENDREUX

Le médecin traitant doit donner l’alerte ; il est au centre du système d’orientation et de soins. On ne peut pas avoir affaire directement à un acteur très spécialiste, car l’accès prend trop de temps.

De la salle

Vous mentionnez un délai de diagnostic de 30 mois ; cela a pris plus de six ans pour mon enfant entre la première consultation en grande section de maternelle et le diagnostic final lors de l’entrée en sixième. Le réflexe naturel pour des parents dont l’enfant est en difficulté est de se tourner vers un psychologue, dont la formation est fondamentale. Le premier psychologue qui a vu mon enfant n’a rien trouvé. Le deuxième a effectué un bilan, dont certains éléments ont été mal interprétés, comme le décalage entre les performances verbales et non-verbales. De même, son agitation permanente lors de tâches trop longues a été traduite comme une souffrance nécessitant une psychothérapie à raison de 75 euros par semaine non remboursés pendant cinq ans.

Je suis médecin radiologue, mais j’ignorais tout de l’hyperactivité. Au final, les retards de prise en charge, d’accès et d’information sont nombreux. Le rôle des psychologues est ici fondamental.

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