L’adulte TDAH

Diagnostic positif du TDAH chez l’adulte Par le Dr Michel Lecendreux

, par Dr Michel Lecendreux

Le TDAH concerne environ 3% de la population des adultes

Que deviennent les enfants qui présentent des symptômes de TDAH ? Ces symptômes - la triade caractéristique : inattention, impulsivité et hyperactivité - demeurent-ils présents lorsqu’il atteint l’âge adulte ? De même, que deviennent au même âge les troubles comorbides (troubles anxieux, dépressifs, ou troubles du sommeil par exemple) qui affectent, souvent dès l’enfance, le patient TDAH ?

A ces questions importantes, certaines études longitudinales répondent et montrent que le TDAH persiste, à l’adolescence, et à l’âge adulte. Chez les adultes on estime qu’un tiers verra ses symptomes évoluer de manière favorable, 1/3 vont parvenir à faire avec leurs difficultés, d’autant que l’environnement sera favorable pour eux, et 1/3 auront encore des difficultés importantes à l’âge adulte.

Soulignons qu’il n’y a pas encore, à ce jour, de test valide, biologique notamment, à même de diagnostiquer l’existence du TDAH chez un patient donné. Le diagnostic repose sur le recueil d’informations et la passation de bilans.

Le TDAH est un trouble complexe, à plusieurs dimensions. Des sous-types ont été distingués, selon que les symptômes qui dominent, se situent d’avantage sur le versant de l’inattention ou de l’hyperactivité/impulsivité. Critères diagnostiques du DSM-5

Les conditions du diagnostic

Il faut une fréquence importante depuis plus de 6 mois d’au moins 5 critères sur les 9 dans le domaine de l’inattention et ou de l’hyperactivité impulsivité et que ces symptomes aient pû être repérés dès l’enfance avant l’âge de 12 ans, se manifestent dans plusieurs contextes de vie : le travail, la vie de famille, les loisirs, avec un retentissement significatif sur le fonctionnement quotidien de la personne, sans que ces symtômes ne puissent être expliqués par un autre trouble ou une autre maladie.

Présenter 5 critères sur 9 d’inattention

  1. Néglige ou oubli des détails, le travail n’est pas précis
  2. A du mal à rester concentré durant un cours, une conversation, la lecture d’un texte long
  3. Leur esprit parait ailleurs, même en l’absence d’une distraction manifeste
  4. Commence le travail mais perd vite le fil et est facilement distrait
  5. Difficultés à gérer des tâches séquentielles ; difficultés à conserver ses outils et ses affaires personnelles en ordre ; complique et désorganise le travail ; gère mal le temps ; ne respecte pas les délais fixés
  6. Fait à contre-coeur ou évite les tâches qui nécessitent un effort mental soutenu : préparation de rapports, formulaires à remplir, revoir un long article
  7. Perd souvent les objets crayons, livres, outils, portefeuille, clés, papiers, lunettes, téléphone mobile
  8. Se laisse facilement distraire : passer du « coq à l’âne ».
  9. A des oublis fréquents comme payer ses factures, respecter ses rendez-vous

Ou/et présenter 5 critères sur 9 d’hyperactivité/impulsivité

  1. Remue souvent les mains ou les pieds ou se tortille sur son siège.
  2. Se lève souvent au bureau ou à son travail, ou dans d’autres situation qui nécessitent de rester assis
  3. Eprouve un sentiment d’agitation
  4. A souvent du mal à se tenir tranquille dans les activités de loisir.
  5. Est souvent incapable de se tenir immobile pendant un long moment, comme dans les restaurants, les réunions ; peut être perçu par les autres comme agité, ou comme difficile à suivre
  6. Souvent, parle trop.
  7. Termine la phrase de leur interlocuteur ; coupe la parole
  8. A souvent du mal à attendre son tour lorsque l’on fait la queue
  9. impose sa présence, fait irruption dans les conversations, peut s’immiscer ou s’imposer et reprendre ce que d’autres font

Diagnostic et devenir du trouble chez l’adulte

Quel est le devenir du trouble ? Le plus souvent, l’hyperactivité s’amende chez l’adulte TDAH. En revanche, les fonctions exécutives restent très touchées ; celles-ci, en effet, sont plus développées chez l’adulte que chez l’enfant, en raison d’une vie quotidienne plus contraignante. Ce sont donc plutôt à des problèmes d’attention que l’adulte va demeurer confronté, singulièrement dans ses tâches professionnelles (lecture, rédaction, tenue de réunion, etc.). La procrastination - propension à lancer sans cesse de nouvelles tâches et à ne jamais les terminer - s’observe également chez l’adulte TDAH.

Le diagnostic du TDAH chez l’adulte s’articule autour de trois axes : un diagnostic rétrospectif, qui tend à valider a posteriori la présence effective du trouble dès l’enfance avec l’échelle de WURS ; une évaluation au moyen des échelles disponibles, entre autre la DIVA ; enfin, l’écoute et le recueil « des mots du patient » (« Je suis tout le temps stressé », « Je n’y arrive plus », etc.).

Retentissement du trouble

Souvent, les patients se plaignent de ne pas être reconnus. Or, le retentissement du trouble s’exerce dans tous les domaines, qu’il s’agisse de l’attention, de la mémoire de travail, du sens de l’organisation ou de l’inhibition.
D’une manière générale, le patient adulte TDAH ne possède pas le même fonctionnement académique qu’un autre adulte qui ne serait pas affecté par le trouble. Chez l’enfant, on relève des retards scolaires ou des redoublements de classe plus fréquents ; en parallèle, il est constaté que l’adulte TDAH s’exposera plus, dans sa vie professionnelle, au risque de licenciement par exemple. De même, l’adulte TDAH sera plus fréquemment concerné par la consommation tabagique, l’abus de substances ou toute autre forme de conduite addictive, l’excès de vitesse ou l’alcoolisation lors de la conduite automobile, etc.
Une étude menée au sein d’une population de détenus a montré également qu’un quart de cette population était concernée par le TDAH et présentait tout ou partie des critères distinctifs.

Environnement neurologique et familial

L’imagerie cérébrale, a permis de montrer le rôle fondamental du cortex cingulaire antérieur dans l’expression des symptômes du TDAH chez l’adulte.

On a pu constater de surcroît que le TDAH « court dans les familles ». Ainsi, des études portant sur des familles ont montré que le risque d’avoir un adulte atteint du TDAH était d’autant plus élevé que la mère, et surtout le père, étaient eux-mêmes déjà concernés par ce trouble. Ce risque plus élevé se remarque également au sein de la fratrie.

En définitive, mieux que la dépression, le TDAH chez l’adulte apparaît fréquemment « masqué ». D’où la nécessité d’examiner les liens qu’il entretient avec d’autres troubles, tels que la dépression, certes, mais aussi les troubles de l’humeur, les troubles bipolaires ou les troubles du sommeil. En présence d’une telle comorbidité, il convient de prendre en compte, dans un premier temps, le trouble initial.

P.-S.

Par le Dr Michel LECENDREUX (Paris). Conférence PSY SNC du 23 novembre 2005
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