Bonnes pratiques en EUROPE
GRANDE BRETAGNE
Le Pr Eric TAYLOR indique que la prévalence au Royaume-Uni atteint 2,4 % en suivant une définition relativement restrictive ; la prévalence dans son propre service atteindrait plutôt 4 %. Près de la moitié des personnes atteintes bénéficient d’un traitement, mais pas nécessairement dans le cadre d’un diagnostic de TDAH.
Le traitement peut passer par des spécialistes du sujet ou être effectué de manière plus générique, sachant que la plupart des services ont développé une expertise spécifique au TDAH. La Grande-Bretagne possède par ailleurs un système pyramidal à quatre niveaux, allant des soins de base jusqu’au service spécialiste régional, spécialisé sur les cas réfractaires.
Un patient adulte, parent d’un enfant TDAH, évoque le problème français du renouvellement d’ordonnances valables 28 jours auprès de médecins généralistes peu formés à cette pathologie. Il demande si cette problématique se retrouve en Grande-Bretagne.
Le Pr Eric TAYLOR répond qu’il est très coûteux de confier à une équipe de spécialistes le premier niveau de soins, comme le suivi physique de l’enfant ou le suivi du traitement. Les médecins généralistes sont bien mieux placés pour ce faire. Cependant, ils ont besoin de spécialistes en appui pour vérifier, tous les six mois, l’adéquation du traitement. Au Royaume-Uni, le problème consiste plutôt à convaincre les médecins généralistes de renouveler les ordonnances.
Le Dr Eric KONOFAL précise que la limitation à 28 jours n’est pas liée au TDAH, mais à la classe du médicament, assimilé aux stupéfiants.
Un pédopsychiatre rappelle qu’une prescription médicale hospitalière s’impose, selon la loi, pour les pathologies dont le diagnostic nécessite des moyens adaptés qui ne sont disponibles qu’à l’hôpital. Il se demande si cette définition s’applique réellement au TDAH.
Un autre pédopsychiatre ajoute que cette obligation constitue un obstacle majeur à l’accès au soin : le temps d’accès à l’hôpital peut dépasser le terme de l’année scolaire.
Le Pr Marina DANCKAERTS indique qu’en Belgique, la prescription initiale doit être effectuée par un pédopsychiatre ou un neuropédiatre ; les renouvellements sont assumés par les généralistes.
EN FRANCE
Le Dr Diane PURPER-OUAKIL indique qu’au service psychopathologie de l’hôpital Robert-Debré, le délai entre les premiers symptômes et la première consultation atteignent souvent 36 mois : les parents réfléchissent beaucoup avant de demander un avis médical. Entre la première consultation et la confirmation du diagnostic, 33 autres mois s’écoulent. Ces délais se réduisent quand les parents ont une suspicion diagnostique apportée par le médecin généraliste ou un autre soignant. Inversement, il est augmenté en cas de comorbidité mais aussi de suivi par un autre professionnel de santé mentale.
Il n’existe en France aucun centre référent spécifique. Les interventions auprès des parents restent peu structurées ; en milieu scolaire, elles sont ponctuelles et soumises à la bonne volonté des enseignants, voire à l’arbitraire. Les séjours thérapeutiques n’existent pas et les enfants font souvent l’objet de traitements non évalués ou à l’efficacité non établie, donc à l’efficacité aléatoire.
Le taux de prescription de psychostimulants atteint de 0,15 % dans la population d’âge scolaire, soit 5 % seulement des enfants ayant un TDAH. Le cadre réglementaire français est assez différent des autres pays, puisque les psychostimulants sont rattachés aux stupéfiants et que l’atomoxétine n’est pas commercialisée. Le profil d’utilisation des psychotropes est différent ; on peut soupçonner que bon nombre d’enfants TDAH font l’objet de prescriptions hors AMM (neuroleptiques et benzodiazépines).
Enfin, le TDAH est une thématique de recherche peu explorée en France, qui participe assez peu aux réseaux internationaux. La formation reste également lacunaire : l’examen national classant ne comporte aucun item spécifique au sujet.
Cependant, les perspectives sont encourageantes : les actions de formation et de sensibilisation se développent, de même que les journées scientifiques. Les ressources pour les parents et les familles commencent à s’étoffer.
Une orthophoniste fait état d’une grande méfiance du corps enseignant vis-à-vis du TDAH. Elle suggère d’intégrer une formation sur les troubles de l’attention au cursus de l’IUFM.
Le Dr Diane PURPER-OUAKIL indique avoir fait la même expérience : certaines écoles font barrage et n’adresseront jamais un enfant. La seule réponse consiste à sensibiliser beaucoup plus tôt.
Christine GETIN souligne que les médecins scolaires peuvent être d’excellents alliés à ce sujet.
Une participante le confirme : il serait utile d’accroître leur nombre et d’améliorer leur formation au pré-diagnostic sur les différents troubles de l’attention. Ils permettent également de faire le lien entre le monde de la santé et celui de l’Education nationale.
Un participant relève qu’aux Etats-Unis, chaque service compte quatre à neuf praticiens hospitaliers par spécialité, alors qu’ils sont beaucoup moins nombreux en France. Il est donc important de transmettre la compétence aux médecins de première ligne.
EN ITALIE
Le Pr Alessandro ZUDDAS explique que la situation italienne est assez similaire à celle de la France, avec cette différence que les médicaments ne sont accessibles en Italie que depuis 2007.
Le médecin généraliste, le pédiatre ou le médecin scolaire adressent l’enfant à l’hôpital, qui démarre le suivi de traitement puis passe le relais à un centre de référence régional. Les enfants et adolescents sont alors inscrits sur un registre, qui rassemble des données sur les procédures diagnostiques, les posologies, l’efficacité et les effets secondaires, transmises par les médecins assurant le suivi.
Le registre a débouché sur le premier réseau national de neuropsychiatrie infantile, ce qui permet de suivre les procédures diagnostiques, repérer les schémas de prescription, étudier les comorbidités et les co-médications et identifier les effets secondaires. Cependant, le nombre total de patients est relativement bas et les effectifs de chaque centre référent peuvent donc varier grandement. Enfin, le système exclut les patients adultes et ceux qui utilisent les médicaments à libération prolongée.
Un psychomotricien estime que sa profession est de mieux en mieux formée sur le TDAH et qu’elle constitue un facteur essentiel dans la prise en charge de ses enfants.
Le Pr Alessandro ZUDDAS précise que la psychomotricité ne donne pas lieu à une formation spécifique en Italie.
Un pédopsychiatre considère, au vu de l’expérience acquise dans l’autisme, que les centres des ressources n’apportent rien en matière de prise en charge.
Le Pr Alessandro ZUDDAS indique qu’il n’existe pas de centres pour l’autisme dans toutes les régions. Pour ce qui est du TDAH, l’Etat a contraint chaque région à créer de tels centres, qui doivent encore se développer.
Une participante demande s’il est souhaitable de créer des écoles spécialisées pour les enfants souffrant d’un TDAH sévère, avec prise en charge multimodale.
Le Pr Alessandro ZUDDAS répond qu’il n’en existe pas en Italie. Les classes comprenant un enfant souffrant de formes très sévère peuvent se voir affecter un enseignant spécialisé, capable d’intégrer l’enfant au sein de ses camarades.
Le Pr Eric TAYLOR indique que le Royaume-Uni s’est doté d’écoles spécialisées pour les autistes, pour qui l’éducation entre pairs est très bénéfique. Ce n’est pas le cas pour les enfants TDAH, qui tendent à s’attaquer les uns les autres. La meilleure solution consiste donc à sensibiliser les enseignants comptant un tel enfant dans leurs classes sur les différents problèmes susceptibles de se poser.
EN FRANCE POUR L’ADULTE
Le Pr Franck BAYLE rappelle que la psychiatrie adulte rassemble 12 000 psychiatres dont 6 000 prescripteurs. Pour des raisons démographiques et d’organisation de la production de médecins en France, seule la moitié restera en activité dans 10 ans, en comptant ceux qui sont nouvellement formés. Cette réduction n’est pas nécessairement négative, mais pose un problème d’organisation qui n’est pas prévu à ce jour. Il n’existe aucune formation médicale continue ou plutôt, elle n’est assujettie à aucun contrôle.
Ensuite, la psychanalyse et la psychologie sociale héritée des années 1970 ont encore un impact important. De ce fait, la conception psychogénétique des troubles est encore dominante dans la pratique, notamment en pédopsychiatrie. Les liens entre la psychiatrie et la médecine générale sont quasiment inexistants, de même que la politique de santé publique et de prévention des troubles psychiatriques est quasi nulle. Les associations d’usagers sont très discrètes, notamment du fait d’un important stigma social, qui lie troubles sociaux et violence. Enfin, le dépistage précoce des troubles mentaux pour prévention des troubles du comportement est décrié par une partie des leaders d’opinion qui éludent les réalités scientifiques disponibles.
Dans ce contexte, le trouble est perçu comme porté à l’excès chez les enfants ; il n’est ni connu, ni reconnu chez l’adulte. L’école de médecine n’apporte aucune information systématique sur le trouble. Aucune recherche nationale n’est encore conduite chez l’adulte. Dès lors, le diagnostic et le soin sont très difficiles : il n’existe que deux consultations spécialisées en France en service universitaire adulte. Aucun dépistage spécifique n’est effectué chez l’adulte, y compris chez ceux qui souffrent de troubles anxieux ou de troubles addictifs. Aucun relais n’est assuré en libéral : très peu de cliniciens ont l’habitude de la pathologie et leurs consultations sont saturées. Dès lors que des troubles du comportement sont associés, ils sont méconnus.
L’état des lieux peut donc être considéré comme dramatique vis-à-vis des pays européens. Les autorités de santé craignent la prescription de psychostimulants chez les patients, alors que la prescription est très captive et que le risque de mésusage est limité. Aucune AMM n’existe chez l’adulte. Aucune prise en charge psycho-éducative ou de remédiation cognitive n’est systématiquement proposée, notamment pour des raisons de coûts. Malgré tout, les cliniciens français témoignent d’un fort intérêt pour ce qui apparaît comme une nouvelle clinique intriquée, un marqueur de vulnérabilité plus qu’un trouble constitué. Un fort soutien des pouvoirs publics est donc nécessaire pour une bonne partie des troubles psychiatriques, dans un contexte social de plus en plus compétitif et requérant des capacités fonctionnelles cérébrales évoluées.
Un participant a l’impression que le remboursement du méthylphénidate chez l’adulte est soumis au bon vouloir du médecin de la Sécurité sociale local. Il demande quand une extension de l’AMM est envisageable.
Le Pr Franck BAYLE répond que ce point dépend des laboratoires pharmaceutiques, qui peuvent commanditer de nouvelles études. Une extension peut être espérée sous un à deux ans.
Une participante, mère d’un étudiant atteint de TDAH, demande comment il est possible de faire appliquer à l’hôpital la loi de février 2005, quand la médecine universitaire a prescrit des adaptations qui ne sont pas mises en oeuvre.
Le Pr Franck BAYLE renvoie à un centre spécialisé en la matière.
Christine GETIN cite également l’association Droit au savoir.
Un neuropédiatre du centre référent de Garches indique que les parents d’enfants TDAH qu’elle rencontre présentent parfois eux-mêmes des symptômes. Elle s’enquiert des ressources à qui elle peut faire appel dans ce cadre.
EN BELGIQUE
Le Pr Marina DANCKAERTS indique que la prévalence des psychostimulants est de 2 % chez les garçons et de 0,5 % chez les filles de 6 à 17 ans en Belgique. Cependant, la prévalence décroît fortement à partir de 12 ans pour devenir très faible à 17 ans. En outre, ces moyennes dissimulent des différences marquées entre provinces.
Dans certaines d’entre elles, le TDAH est bien reconnu. Cela s’explique parce que les parents peuvent accéder directement aux spécialistes s’ils le souhaitent et parce que les enseignants et médecins scolaires jouent un rôle important dans le pré-diagnostic. Deux formes de traitement médicamenteux sont remboursées. Les associations de parents jouent un rôle important de sensibilisation. Enfin, la performance scolaire est une priorité pour la plupart des pays : les enfants sont souvent adressés parce qu’ils rencontrent des difficultés à l’école. En revanche, une certaine surprescription a également été constatée, notamment parce que tous les médecins peuvent prescrire la ritaline® et qu’inversement, les psychothérapies sont difficiles d’accès.
Au-delà, quelques avancées ont lieu, notamment à l’école. Ainsi, un programme de modification comportementale a été conçu sous forme de jeu entre l’enseignant et l’enfant. Soit il permet à l’enfant de modifier son comportement, soit il permet à l’enseignant de comprendre pourquoi, quels que soient ses efforts, l’enfant conservera la même attitude. Le ministre de l’Education a décidé d’en attribuer un exemplaire à chaque école primaire en Flandres.
Le Pr Eric TAYLOR indique qu’en Grande-Bretagne, on rencontre également des difficultés à partir de 16 ans : les adolescents sont moins enclins à prendre des médicaments dont le but est d’en faire de « bons enfants ». En outre, ils lisent la presse et Internet et prennent peur face aux descriptions des effets secondaires.
Un participant s’enquiert de la raison des différences de taux de prescription entre provinces belges. Le même phénomène existe en Allemagne ; il a été suggéré que les Länder à taux élevé étaient aussi ceux qui possédaient des associations de parents nombreuses.
Un pédopsychiatre souligne que pour une majorité des médecins, le TDAH est un trouble fabriqué et la médication une malfaisance. La psychanalyse représente un vent hostile, mais aussi la sociogénèse : beaucoup refusent de croire que l’échec scolaire puisse avoir une cause biologique.
Une participante, membre de l’association TDAH Belgique, souligne que les traitements multimodaux sont peu proposés par les médecins belges. Cela peut s’expliquer parce que les traitements ne sont pas remboursés.
Le Pr Marina DANCKAERTS estime que ce facteur joue un rôle : des formations parentales existent, mais les parents refusent souvent d’y assister du fait de leur coût.
EN ALLEMAGNE
Le Pr Manfred DOEPFNER indique que le taux de prescription de méthylphénidate a décuplé en dix ans. Pour autant, une surprescription n’est pas à craindre, d’autant que le taux de signalements de TDAH est deux fois plus élevé que les prescriptions. Deux ensembles de règles directrices existent. Un réseau spécifique, soutenu par le Ministère de la Santé fédéral, a été bâti en 2005 ; il vise à améliorer la prise en charge des patients et à informer les experts comme le grand public.
Comme les autres pays, l’Allemagne manque de capacités et d’expertises suffisantes pour le diagnostic et la prise en charge, notamment pour la thérapie comportementale. L’observance des traitements pose également problème. Des programmes d’intervention psychosociale ont été développés, notamment à l’Université de Cologne où travaille le Pr Manfred DOEPFNER, mais ils sont encore peu utilisés. Ces programmes préconisent des interventions en direction du patient, du parent et de l’école. La psycho-éducation est primordiale dans ces programmes, elle repose sur des bases éducatives et comportementales mises à disposition des parents, des enseignants et des intervenants sociaux. Elle vise à améliorer les interactions avec l’environnement de l’enfant au quotidien.
Une participante s’enquiert du devenir professionnel des enfants diagnostiqués de manière précoce.
Le Pr Manfred DOEPFNER répond que quelques études de long terme ont été effectuées. La plupart des enfants TDAH traités obtiennent un diplôme et mènent une vie professionnelle satisfaisante, même si la proportion est inférieure à celle des enfants non-TDAH.
Une participante du Luxembourg met en avant l’importance des associations de parents et des groupes de soutien.
Le Pr Manfred DOEPFNER le confirme. L’information fournie par d’autres parents dans la même situation est bien mieux assimilée par les familles que celle émanant des médecins.
Un pédopsychiatre déplore que la psychoéducation soit encore trop peu accessible en France, notamment vis-à-vis de l’Allemagne.
Le Pr Manfred DOEPFNER explique que le nombre d’intervenants s’est beaucoup accru en Allemagne au cours des années. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire de posséder un diplôme en psychothérapie pour assurer ce type d’intervention, même si une formation est indispensable.
Une sociologue remarque que l’articulation entre recherche et clinique diffère selon les pays, ce qui influence les styles de traitement. Ainsi, la recherche menée en Allemagne et au Royaume-Uni semble s’intéresser aux aspects les plus concrets de la pathologie, ce qui n’est pas le cas en France.
Le Dr Michel LECENDREUX demande si les thérapeutes comportementalistes reçoivent une formation spécifique sur la TDAH en Allemagne.
Le Pr Manfred DOEPFNER répond que la formation est généraliste, mais que des options permettent de se spécialiser.
Un pédopsychiatre explique que son SESSAD (Service d’Education Spécialisée et de Soins à Domicile) dédié à l’autisme effectue parfois des diagnostics différentiels ; il rencontre alors des difficultés à trouver des SESSAD relais pour assurer la prise en charge du TDAH.