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Apport du bilan psychométrique et attentionnel au diagnostic de TDAH Maria Giovanna LIMONGI

, par Maria Giovanna Limongi

Apport du bilan psychométrique et attentionnel au diagnostic de TDAH

Maria Giovanna LIMONGI

Psychologue cognitive

Le bilan psychologique s’inscrit dans une approche multidisciplinaire d’aide au diagnostic établi par le médecin. Il commence par un questionnaire envoyé à la maison sur la santé, le développement et les difficultés d’apprentissage. Les parents et l’enfant viennent ensuite en consultation. Il est important de souligner que chaque enfant est unique et présente un cas différent : il faut considérer les aspects émotionnels, cognitifs et comportementaux. J’examine les symptômes et leur répercussion à la maison et à l’école. Je m’appuie sur l’évaluation scolaire, les bulletins, les cahiers et les commentaires des enseignants.

Je passe ensuite au bilan. Si l’enfant a été repéré par un médecin, celui-ci a souvent déjà utilisé un questionnaire de dépistage du TDAH. A défaut, je soumets un questionnaire aux parents et aux enseignants, par exemple celui de Conners. Les questionnaires de fonctions exécutives sont également très utiles ; une version française doît paraître prochainement. On passe ensuite au bilan psychométrique et attentionnel ; d’autres tests peuvent également être administrés si nécessaire. On termine par un compte rendu oral et écrit détaillé.

La plainte des parents porte souvent sur des enfants oppositionnels, voire agressifs, qui ne peuvent pas rester à table, donnent l’impression de ne pas écouter quand on leur parle, perdent leurs affaires scolaires, etc. Les enfants ont leurs propres plaintes : ils éprouvent beaucoup de difficulté pour se contrôler. Quand on ne les laisse pas bouger, ils en trouvent le moyen, par exemple en jetant un crayon par terre pour pouvoir aller le ramasser. Ils sont très distraits : alors qu’on les a envoyés se laver les dents, on les retrouve dans une autre pièce, ou devant le miroir à se demander ce qu’ils font là. Ils ont des difficultés à comprendre les consignes : ils n’en retiennent souvent que les derniers mots. Ils sont très sensibles aux petits bruits, par exemple les bruits de capuchon de stylo, car ils ne parviennent pas à filtrer ce qui n’est pas pertinent pour la tâche. Leur concentration dépend beaucoup de la motivation : ils peuvent être capables de se concentrer devant un jeu vidéo très stimulant alors qu’ils n’arrivent pas à faire leurs devoirs.

L’observation clinique permet d’évaluer l’impulsivité : l’enfant a déjà commencé avant qu’on ait fini de lui dire quoi faire. Elle permet également de constater des problèmes d’attention : l’enfant chantonne ou parle pendant des épreuves visuelles. L’hyperactivité s’observe très facilement chez les petits. Les plus grands ont l’habitude de l’école, mais pourront moins se concentrer du fait de leurs efforts pour rester assis.

Le bilan d’efficience intellectuelle évalue le fonctionnement général de l’intelligence, identifie une précocité ou un déficit intellectuel, détermine les forces et faiblesses du fonctionnement cognitif et formule des hypothèses sur des difficultés d’apprentissage ou d’attention. Le test le plus utilisé est le WISC, dont il existe une version pour les enfants de 6 à 16 ans.

Un test WISC-IV comprend quatre parties :

  • indice de compréhension verbale :
  • indice de raisonnement perceptif ;
  • indice de mémoire de travail ;
  • indice de vitesse de traitement.

Ces deux derniers indices sont très sensibles aux troubles difficultés attentionnelles, alors que l’indice de compréhension verbale est plus sensible à la dyslexie. Ces quatre indices permettent de calculer un QI Total.

Prenons l’exemple d’un garçon de 15 ans venu en consultation après être passé dans 7 écoles différentes. Il présente un très bon comportement, est très gentil avec beaucoup d’empathie, très brillant à l’oral et présentant beaucoup de sens critique. Il rencontre en revanche des troubles de l’attention. Ses capacités verbales sont excellentes. Son raisonnement perceptif est variable, avec des faiblesses de représentation dans l’espace. Ses capacités de mémoire de travail et de vitesse de traitement sont déficitaires, surtout si l’on tient compte du potentiel. Les résultats du test sont interprétés en fonction d’une courbe normale dont la moyenne est de 100 et comparés à la moyenne des garçons du même âge. Le profil de ce garçon ne permet pas de calculer un QI total, puisque les indices sont très hétérogènes. Il témoigne des difficultés du jeune homme : il est très distrait ; le moindre bruit le fait s’arrêter d’écrire, ce qui entraîne beaucoup de frustration. Il pourrait effectuer des études littéraires brillantes, mais il est limité par une vitesse de traitement très lente. Il est donc adressé chez le médecin pour établir un diagnostic de trouble de l’attention. D’autre part, on lui propose un aménagement scolaire, par exemple un tiers-temps pour le bac.

Des tests permettent de réaliser un bilan attentionnel – il n’est pas un test diagnostique du TDAH, mais permet de comprendre comment fonctionnent les capacités attentionnelles d’un enfant. On s’intéresse à plusieurs modalités : le niveau d’alerte et la vigilance, l’attention soutenue dans le temps, l’attention sélective – par exemple la capacité à sélectionner une lettre parmi d’autres – ainsi que l’attention divisée utilisée pour la prise de notes en cours, qui nécessite de combiner attention visuelle et attention auditive. Les fonctions exécutives sont à évaluer. Ce sont les habilités responsables du contrôle et de la coordination de tâches cognitives complexes : définir un objectif, planifier, commencer un travail et le finir. On évalue l’inhibition, la planification et la flexibilité entre autres .
Le bilan attentionnel possède ses limites : il ne faut pas établir un diagnostic de TDAH seulement sur la base de résultats des tests d’attention, mais considérer aussi les aspects comportementaux du trouble. Les enfants TDAH précoces peuvent compenser en situation de test. D’autre part, certains enfants à dominante très hyperactive et impulsive peuvent ne pas avoir beaucoup de difficultés attentionnelles, mais leur hyperactivité ne leur laisse pas de temps d’accéder aux apprentissages.

Pour finir, le bilan psychologique n’est pas une « boîte noire » : il est important de partager les résultats avec les parents et les enseignants. Il s’agit d’améliorer la compréhension de difficultés cognitives pouvant être associées au TDAH.

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