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Lettre ouverte des personnes concernées par le TDAH à la télévision publique tentée par la désinformation HyperSupers TDAH France

, par Christine Gétin, directrice

Lettre ouverte des personnes concernées par le TDAH à la télévision publique tentée par la désinformation.

Madame Delphine Ernotte, et Madame Subra-Gomez

Par cette lettre ouverte nous souhaitons vous alerter à propos du reportage diffusé dans l’œil du 20 heures de France 2 lors du journal du 05/04/2023.

Nous dénonçons la légèreté avec laquelle la télévision publique a traité le sujet du TDAH, lors de son JT dans la rubrique l’œil du 20h de France 2. Un sujet très sérieux, celui du TDAH qui touche 500 000 enfants et 1,5 millions d’adultes en France.

Une chaîne publique n’honore pas sa mission en diffusant des informations qui sont des partis pris contraires aux faits scientifiques établis de longue date et qui nuisent aux intérêts des patients.

Le travail des journalistes est de présenter le plus objectivement possible un sujet, en particulier lorsque celui-ci touche à la santé de milliers de personnes. Le reportage réalisé sur le sujet du Trouble Déficit de l’Attention avec ou sans Hyperactivité et des prescriptions est stigmatisant pour les personnes TDAH et leur famille, dans quel dessein ?
La journaliste responsable avait la possibilité d’interviewer des spécialistes du TDAH présents à notre AG. Elle ne l’a pas fait et ses questions ne permettaient pas d’avoir un éclairage suffisant sur le TDAH en France. France 2 contribue ainsi à désorienter l’opinion publique qui mérite davantage de considérations pour un trouble important en santé publique. On reconnait-là une absence d’éthique jetant le discrédit sur des familles en souffrance, leurs soignants et les associations qui font le maximum pour informer et soutenir. Notre association, reconnue d’utilité publique mène des actions depuis de nombreuses années pour la situation de handicap que constitue le TDAH.

Rappel de faits scientifiques

L’augmentation des prescriptions est à relativiser en regard de là où en est notre pays dans la prise en charge du TDAH. Il y a 15 ans les psychanalystes disaient déjà qu’il ne fallait rien faire pour ces enfants et stigmatisaient les mères responsables de tous les maux des enfants, comme ils l’avaient fait auparavant dans l’autisme.

Le TDAH concerne de 3 à 5% des enfants d’âge scolaire en France comme partout dans le monde (Sayal, 2018) [1]. Sur les traitements médicamenteux du TDAH voir le rapport de la HAS publié en mars 2021 notamment page 47, le niveau de prescription de la France par rapport aux autres pays d’Europe. À lire le consensus international sur le TDAH publié en 2021 et regroupant les plus grandes méta-analyses sur le sujet du TDAH. Nous avons traduit ce document et publié sur notre site internet ; quelques témoignages rapportés par les familles au début de leur recherche de soin concernant le médecin rencontré. (Témoignages)

En 2018, début d’une prise en compte du TDAH dans les politiques publiques avec la stratégie nationale autisme au sein des Troubles du NeuroDéveloppement (TND). Dans le sillage de l’autisme, le TDAH qui est un TND peut bénéficier d’une prise en charge précoce avec les Plateformes de coordination et d’orientation (PCO) [2], possibilité d’obtenir des bilans remboursés par la CNAM [3] et des prises en charges en thérapies de type TCC [4] et en guidance parentale pour les familles, avant même le diagnostic, puis l’élargissement des PCO 0-6 ans aux enfants de 7 à 12 ans.

Il reste encore un énorme travail à faire pour améliorer l’accès aux soins des personnes TDAH enfants et adultes. Et ce n’est pas en niant les problèmes qui partout dans le monde sont pris en compte que la France pourra avancer, bien au contraire.

Quelques commentaires

  • Le 2 avril les médias mettent en avant « la Tour Eiffel en Bleu » et parlent de l’autisme avec toutes les précautions et la bienveillance qui s’imposent. Après des années dans la stigmatisation et l’accusation des mères, enfin, la France avec plus de 20 ans de retard, avance enfin, même si beaucoup d’enfants doivent encore aller à l’étranger …
  • Le 5 avril votre chaîne stigmatise le TDAH, l’association de patients et le médicament est considéré comme un produit illicite prescrit hors de toute règle ! Vous présentez des cas extrêmes … aucunement représentatifs, vous citez un rapport (HCFEA) sans aucune analyse de son contenu et des conflits d’intérêts des auteurs (idéologies assumées et auto-références systématiques). Ce rapport ne saurait résister à une analyse scientifique.
  • Rien n’est dit des difficultés réelles des personnes concernées, ni sur le trouble en réalité, présenté dans le reportage comme simples traits de caractères, nié en tant que TND réel. Vous jetez ainsi la suspicion sur le sujet délibérément.

Cela fait 20 ans que notre association agit contre l’obscurantisme. Et nous continuerons à le faire parce que les personnes, enfants et adultes, atteintes du handicap qu’est le TDAH, ne bénéficient pas encore d’une prise en charge efficace, souffrent au quotidien et ont besoin d’une aide réelle, concrète. L’idéologie et la « bien pensance » n’ont pas leur place lorsqu’il s’agit de personnes atteintes d’un trouble du neuro développement avéré et dont les symptômes et leur prise en charge sont établis et repris dans les recommandations de l’HAS sur le TDAH.

Que des enfants soient harcelés ou se suicident, parce qu’ils sont différents et mal jugés, cela vous serait-il égal ?

En diffusant un tel reportage vous cherchez à culpabiliser les parents dont les enfants bénéficient d’un traitement médicamenteux et ainsi saper les efforts entrepris pour améliorer leurs conditions de vie au quotidien et leurs apprentissages scolaires. Par ailleurs ce reportage occulte les approches complémentaires aux traitements médicamenteux, la psycho-éducation, l’éducation thérapeutique, la guidance parentale (type Barkley), qui visent à mieux comprendre et accepter le TDAH, mieux le gérer et acquérir un savoir-faire pérenne et ainsi vivre avec le TDAH, et ce avec ou sans traitement médicamenteux, selon les besoins de chacun.

A l’issue de ce reportage, le TDAH ne serait donc qu’un trait de caractère que chacun (parent, enseignant, soignant) chercherait à gommer pour son propre confort.

Il faut beaucoup de détermination aux familles pour dépasser les idées reçues, afin d’accepter le diagnostic et trouver des solutions pour aider son enfant, après plusieurs années d’errance.

Il y a 20 ans on disait de l’autisme qu’il était lié à des mères incestueuses … Et maintenant Le TDAH serait-il encore associé aux mauvais parents ?

L’exception française donc, …. Tous ces troubles qui sont niés pendant des années avant de pouvoir accéder à des aides, malgré les preuves scientifiques !

A propos du traitement :

Il ne « calme pas » c’est un stimulant qui améliore l’éveil et fait que l’enfant a un meilleur éveil et est capable d’être plus attentif, comme il peut enfin se concentrer, il bouge moins. Rien à voir avec « pilule de l’obéissance » propos hautement stigmatisant, êtes-vous disposé à l’entendre ? Lisez ce qu’écrivait le Dr Maurice Berger, psychanalyste en 2005 : « La discontinuité de la pensée est un processus central chez certains enfants qui présentent une instabilité psychomotrice (dite aussi hyperactivité), ce qui rend impossible le déroulement d’un travail psychothérapique. Un des effets de la Ritaline est de permettre l’établissement d’une continuité des processus de pensée. »

Le résumé des caractéristiques du produit (RCP) du méthylphénidate indique ceci « Habituellement, une prise en charge globale comporte des mesures psychologiques, éducatives et sociales, ainsi qu’un traitement médicamenteux » contrairement à l’image montrée dans votre reportage qui est celle d’une notice de la risperidone. La risperidoneest un neuroleptique, antipsychotique ce qui n’a rien à voir avec le méthylphénidate qui est un psychostimulant. La risperidone n’a pas d’indication dans le TDAH, l’ansm a même publié une alerte sur ce point

Par ce courrier nous manifestons notre désaccord profond sur la présentation faite du sujet « enfants hyperactifs : un médicament qui fait débat » car débat il n’y a pas eu !

Nous interrogeons également l’éthique de France 2 quant au procédé utilisé avec l’exposition d’un seul point de vue, sensationnel et visant à choquer, in fine à faire le buzz et de l’audience au 20h.

France télévision sortirait grandi à organiser une émission spéciale d’information sur le TDAH avec la participation des familles, des personnes TDAH, des professionnels experts du sujet, et les pouvoirs publics impliqués dans les politiques de santé.

Dans l’attente d’une réponse.

Bien à vous

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Lettre ouverte à France TV

Le conseil d’administration
Le Comité scientifique,
HyperSupers - TDAH France


Contact presse
Christine Gétin
christine.getin@tdah-france.fr
0677153484



Témoignages :

Phrase prononcée par le médecin vu en début de parcours

• Écoute de la part du médecin, puis consultation d’un neuropsy conseillé par du bouche-à-oreille
• Ça va passer. Il remue beaucoup il va se calmer
• Ça ne sert à rien de chercher à avoir un diagnostic
• « Vous allez en bavez »
• « Votre fils ne peut pas être hyperactif car avec moi il est très calme » (mon fils est le premier à m’avoir parlé « d’hyperactivité »)
• « Votre fille a des difficultés de concentration et à maintenir sa concentration, rien d’important. » C’est en lisant le compte rendu que le mot TDA a été mentionné pour la 1ère fois. J’ai alors ré consulté l’orthophoniste qui m’a dit qu’il y avait un léger trouble à confirmer par des tests.
• « Je comprends vos difficultés, et votre besoin de faire un bilan »
• « Il faut apprendre à serrer la vis, plus de fessées si besoin, il faut vous faire respecter »
• « Difficulté attentionnelle » !!!!
• “Votre enfant n’est ni précoce ni TDAH, il est perché, cela passera avec le temps”
• Votre enfant n’a rien il manque de cadre le problème est d’ordre éducatif
• Votre enfant est comme cela car c’est votre faute
• Vraisemblablement un trouble de l’attention, à confirmer par le neuropédiatre
• Vous êtes une mère seule, cela ne doit pas être facile d’élever un enfant sans père, votre enfant veut prendre la place de l’homme du foyer, il a besoin de cadre et d’autorité. Soyez plus sévère et encadrante et tout pourra rentrer dans l’ordre avec le temps. À ce jour nous ne pouvons rien faire pour vous, vous n’êtes pas une situation prioritaire.
• Vous êtes trop strict avec elle, ou au contraire vous êtes trop cool
• Vous êtes trop inquiète.
• Vous êtes sûr. Il bouge mais il va bien.
• Vous êtes divorcée c’est ce qui doit perturber votre enfant
• Vous verrez à 7 ans ça ira mieux
• Vous venez pour vous faire prescrire le traitement
• Vous ne voulez pas lobotomiser votre enfant avec des médicaments ?!
• Vous n’avez pas de problème d’autorité, je ne peux rien faire pour vous,
• Votre fil est vraiment insupportable
• Vous l’avez eu trop jeune, c’est normal qu’il soit difficile !
• Vous l’avez allaité combien de temps ? Madame votre fille est exigeante !

Nous avons 1500 témoignages de ce type…

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Notes

[1Sayal, K., Prasad, V., Daley, D., Ford, T., & Coghill, D. (2018). ADHD in children and young people : prevalence, care pathways, and service provision. Lancet Psychiatry, 5(2), 175-186. doi:10.1016/S2215-0366(17)30167-0

[2plateforme de coordination et d’orientation pour la prise en charge précoce des TND

[3Caisse nationale d’assurance maladie

[4Thérapie comportementale et cognitive

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