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Un SESSAD pour les troubles cognitifs neurodéveloppementaux : une institution d’évaluation et de remédiation pour le TDAH Pierre LAPORTE

, par Pierre Laporte

Un SESSAD pour les troubles cognitifs neurodéveloppementaux : une institution d’évaluation et de remédiation pour le TDAH

Pierre LAPORTE

Psychologue clinicien spécialisé en neuropsychologie

La loi de 2005 « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » a reconnu pour la première fois dans une loi l’existence de situations de « handicap cognitif » aux côtés des situations de handicap psychique, intellectuel, sensoriel et moteur. Or le TDAH entraîne des troubles spécifiques de l’apprentissage dans 20 % à 80 % des situations, contre 4 % à 6 % de la situation scolaire. Il est donc urgent de créer un dispositif institutionnel d’intervention multimodale associant remédiation neurocognitive, intervention métacognitive, psychothérapie, pharmacothérapie après six ans et guidance familiale, ceci de la façon la plus précoce possible.

La remédiation neurocognitive vise spécifiquement l’amélioration fonctionnelle des réseaux neuronaux concernés à travers la mobilisation des processus de plasticité cérébrale. Elle s’appuie également sur les récentes notions de « réserve cérébrale » et de « réserve cognitive » – la réserve cérébrale mobilisable réfère à la capacité crânienne, la densité neuronale et la connectivité synaptique. La réserve cognitive mobilisable réfère à la réserve neurale (augmentation de l’efficience et de la capacité) et à la compensation neurale (recrutement de réseaux neuronaux d’utilisation inhabituelle dans la fonction cognitive considérée). Elle s’appuie enfin sur les connaissances actuelles relatives à l’organisation cérébrale, notamment la « small-brain connectivity ».

Les réseaux neuronaux constituent la base anatomique et fonctionnelle qui supporte les fonctions cognitives : par exemple, le réseau neuronal de l’attention soutenue est une structure anatomiquement définie. La propriété fonctionnelle de ce réseau neuronal spécifique est appelée la concentration. La fonction cognitive est supportée par la connectivité synaptique et le fonctionnement même du réseau neuronal. A ce sujet, l’image actuelle pour modéliser les réseaux neuronaux n’est plus l’ordinateur, mais plutôt celle d’Internet : les neurones sont fortement interconnectés, des modules assurant la connectivité à long distance.

La remédiation neurocognitive vise les réseaux neuronaux spécifiques supportant les fonctions exécutives et attentionnelles. L’intervention métacognitive concerne les stratégies portant sur les représentations cognitives du trouble à des fins d’autorégulation des comportements : les programmes de gestion de l’attention en classe, d’éducation cognitive de l’attention, de gestion mentale, etc. sont de ce type.

Il est important de répondre aux besoins liés au TDAH par des interventions précoces spécifiques, de façon multimodale coordonnée, et en lien étroit avec des évaluations adéquates des résultats à long terme. Tout cela rend nécessaire la création de SESSAD TCS-TSA, c’est-à-dire dédiés aux troubles cognitifs spécifiques à l’origine de troubles spécifiques de l’apprentissage. De tels services s’adresseraient aux enfants présentant un TDAH, comme à tous ceux qui présentent des TSA d’origine neurocognitive spécifique et dont la sévérité est suffisante pour affecter de manière envahissante la vie scolaire, familiale et psychique de l’enfant, tout en étant source de souffrances majeures.

Cette création de SESSAD TCS-TSA doit s’inscrire dans un véritable parcours de soins en remédiation méta- et neurocognitive, d’aide psychologique et de soutien aux élèves en difficultés d’apprentissage pour raisons neurocognitives. Le public concerné sera les enfants et adolescents concernés de 0 à 20 ans, en articulant les interventions de la maternelle à l’après-bac. Il s’inscrira dans un réseau médico-social-sanitaire incluant les différents acteurs institutionnels – CAMSP, CMPP, CMP, etc. – ou libéraux.
Cette proposition s’appuie sur des données théorico-cliniques corroborées par diverses études dans divers champs, mais aussi sur une volonté des pouvoirs publics remontant aux années 2000 de créer des structures adaptées pour répondre à ces troubles. Ainsi, Mme Evelyne SYLVAIN, directrice des établissements sociaux et médico-sociaux de la CNSA, déclarait en 2008 que « le développement des SESSAD concerne l’ensemble des configurations de handicap. Apparaissent notamment l’autisme et les troubles envahissants du développement, mais également les troubles du langage et de l’apprentissage. » Dans ma région, le SROS Aquitaine évoque la « mise en place d’un repérage et d’une prise en charge coordonnée des troubles de l’apprentissage ». Le PRIAC (Programme Interdépartemental d’accompagnement des Handicaps et de la Perte d’Autonomie) 2010-2013 de l’ARS Aquitaine précise la nécessité de développer la diversification de l’offre médico-sociale « en poursuivant la création de places de SESSAD (…) y compris en valorisant les projets innovants ».

Les SESSAD s’inscrivent dans le champ de l’intervention : ils doivent être dotés de consultations spécialisées et pluridisciplinaires – pédopédiatre, pédopsychiatre, psychothérapeutes et psychologues cliniciens spécialisés en neuropsychologie.

A l’heure où les politiques publiques reconnaissent l’absolu nécessité d’intervenir de manière spécialisée auprès des enfants en situation de difficultés d’apprentissage, je voudrais fortement insister pour que les volontés affichées dans les divers documents officiels des instances de santé publique concernées actent enfin ces créations de SESSAD TCS-TSA au niveau de chaque département.

De la salle

J’admire votre foi dans les SESSAD, mais comment faire dans les départements dotés de SESSAD mais dont les CMPP considèrent que le TDAH n’existe pas et qu’il s’agit d’un trouble de la personnalité ? Comment coordonner les CMP avec les libéraux quand ils refusent le dialogue ? Des enfants peuvent passer quatre ans dans un CMPP avant que nous, libéraux, puissions poser un diagnostic. En outre, nous ne pouvons récupérer aucun document sur l’accompagnement effectué en CMPP auparavant.

De la salle

Je confirme ce constat pour les adultes. Je suis en cours de reconnaissance de TDAH, mais les CMP me disent de me débrouiller seul. Les médecins et les neurologues refusent de coordonner. Au-delà d’un accompagnement médical, un accompagnement sociétal est nécessaire : il en va du droit au travail et des droits de la famille.

Pierre LAPORTE

Il faut dépasser ce constat et afficher une volonté de créer des SESSAD innovants

Philippe MAZET

Nous avons saisi la HAS en 2010 pour obtenir un corpus scientifique et des recommandations indiscutables. Ce document est en cours d’élaboration. Nous pourrons ainsi donner une réalité à une affection en filigrane, interprétée et prise en charge de façons diverses.

De la salle

A quand une prise en charge par l’Education nationale, alors que c’est la chasse gardée des CMPP ?

Pierre LAPORTE

J’ai donné une formation à la neuropsychologie à l’ensemble des équipes des CMPP du Lot. Elles étaient initialement très réticentes, puis ont changé de point de vue.

Christine GETIN

Le trouble était peu reconnu quand nous avons créé l’association ; il est désormais reconnu par la HAS. Nous avons accordé la priorité au soin ; nous nous tournons aujourd’hui vers l’Education nationale. Nous avons commencé à travailler sur la formation. La progression est longue.

De la salle

Quand nous faisons appel à des psychomotriciens et à des ergothérapeutes pour nos enfants, on parle de médecins de confort, or nous n’y recourons pas pour le plaisir. Il faut le faire reconnaître.

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