L’école

TDAH en classe : comment faire ? Compte-rendu de conférence TDAH au Salon de l’Education

, par Christine Gétin, directrice

Le Vendredi 25 novembre 2005 de 16h30 à 18H00, au Salon de l’Education, les associations HyperSupers - TDAH France et Coridys vous proposent un débat sur le thème : « Déficit de l’attention, hyperactivité et dyslexie. En classe : comment faire ? » Lorsque ces enfants réclament une attention particulière, des éléments pour sensibiliser les enseignants dans leur prise en charge.

Compte-rendu de la conférence du Salon de l’Education. Porte de Versailles, Vendredi 25 novembre 2005

Hyperactivité, mythe ou réalité ?

Michel LECENDREUX, Hôpital Robert Debré (Paris),

L’hyperactivité n’est pas un mythe : c’est une réalité.
L’inattention est placée au centre du trouble.

Ce trouble met en jeu un « processus central, cérébral, neurobiologique complexe ». Il se caractérise par des symptômes, non significatifs en eux-mêmes, mais qui sont « en excès », que ce soit à la maison, à l’école ou dans les activités de loisirs.
D’emblée, signalons que les traitements pharmacologiques permettent de canaliser l’enfant ; ce ne sont pas des traitements à visée sédative, « qui endorment ».

Il s’agit d’un trouble neuro-développemental.

Si le diagnostic ne peut être posé avant l’âge de 7 ans, on constate néanmoins que les trois dimensions cliniques (inattention, impulsivité, hyperactivité) correspondant à la définition du trouble dans les critères DSM (échelle américaine des troubles mentaux), sont présentes avant cet âge. Dès la crèche, on remarquera chez ces enfants des troubles du sommeil, une mauvaise tolérance à la frustration, de l’agressivité.
Toutefois, c’est à l’entrée au Cours Préparatoire que, généralement, le diagnostic est posé.
On relève l’existence de troubles comorbides : troubles des apprentissages du calcul ou de la lecture (dyscalculie, dyslexie).

Le « noyau symptomatique » requiert : pour l’inattention, la présence d’au moins 8 symptômes ; pour l’impulsivité, 3 symptômes ; pour l’hyperactivité, 6 symptômes. L’aspect chronique, répétitif, des comportements est très important.
A noter que la motricité excessive, propre à l’hyperactivité, risque de mettre en danger les enfants. Le besoin de bouger, de « soulager des impatiences » débouche sur des stratégies destinées à créer une motricité (exemple : laisser tomber son cahier, pour avoir à le ramasser ensuite).
La question que peut se poser l’enseignant face à ce type de comportement chez les enfants hyperactifs, sera : « Si on les laisse bouger, vont-ils être mieux ensuite ? ». La réponse passe, entre autres, par une réflexion sur l’ergonomie (le bureau, la chaise, la salle de classe elle-même).

Les hyperactifs sont des enfants qui dérangent ; ils sont bruyants, instables. Ils n’ont pas conscience, pour autant, de la gêne qu’ils provoquent chez les autres.
Les troubles du sommeil sont fréquents : difficulté à initier son sommeil notamment.
Les enfants hyperactifs sont souvent isolés, ou ont des amis « comme eux »…
En fonction de l’âge, les symptômes vont évoluer.

L’impulsivité et la dangerosité vont souvent de pair. Les activités physiques dangereuses qu’affectionnent les hyperactifs engendrent, pour leur part, de l’agressivité. Les enfants hyperactifs imposent leur présence, interrompent, « n’attendent pas leur tour ». Mal perçus par leurs pairs, ils se marginalisent. Des éléments de « dépressivité » peuvent être associés.

On note une agitation « distale ». L’enfant, par exemple, va remuer ses pieds pour trouver un prétexte pour bouger.
Le soir, à la maison, il peut ressentir des douleurs quand il va s’allonger, des impatiences dans les jambes (évoquant le syndrome des jambes sans repos). Ces comportements trahissent le besoin de « rester dans l’action » (aller aux toilettes sans raison, aller dans la cuisine boire un verre d’eau alors qu’il n’a pas soif).
Il convient, pour les parents, à l’heure du coucher, de réduire l’intensité des stimuli auxquels les enfants hyperactifs sont confrontés (de ce point de vue, le recours à une lumière « veilleuse » n’est pas nécessairement une bonne solution).

A l’école, on note des fluctuations du rendement scolaire, de l’entêtement. L’échec scolaire n’est pas rare, entraînant disqualification, voire exclusion. Se forge, dans la conviction de l’enfant, un « début d’impuissance apprise » (« je suis nul… »).
On note également des retards dans l’acquisition du langage ou de la coordination psychomotrice.
En définitive, à l’adolescence, un trouble d’opposition avec provocation peut s’installer chez l’enfant hyperactif ; ainsi que des conduites à risque, dont l’abus de substance (consommation tabagique notamment).

Parfois cependant, les comportements caractéristiques de l’hyperactivité sont moins évidents : lorsque l’enfant est confronté à une situation nouvelle ; si une récompense est prévue ; en présence du père ou de la mère. En revanche, si les situations sont monotones, les comportements reviennent.
Au plan des troubles comorbides, on trouvera : dysorthographie, dyslexie, dyscalculie.

Les garçons sont plus concernés que les filles par l’hyperactivité.
Le trouble d’opposition avec provocation se manifeste plutôt au domicile. En présence de ce trouble comorbide, il faut se rendre à l’évidence : le pronostic est moins bon. Il n’y a pas, en effet, de traitement approprié du trouble d’opposition. Dans ce cas, ce qui est proposé, c’est de très bien traiter le trouble initial de TDAH.
L’abus de substances, on l’a vu, est fréquent. De même que les troubles anxieux (de l’ordre de 25 % des enfants hyperactifs seraient concernés). Ainsi que la dépression, ou, à tout le moins, la faible estime de soi.

TDAH en classe : comment faire ?

Christine GETIN, et Jocelyne BOUCARD,

Christine Gétin, Jocelyne Boucard et Sylviane Ehrer ont mis à profit leur expérience du contact avec les enfants hyperactifs pour bâtir un processus d’approche approprié, en milieu scolaire, des enfants hyperactifs.
Véritable méthode de comportement en classe - donc en situation concrète pour les acteurs : enseignant, enfant TDAH, autres enfants -, ce processus a fait l’objet, au Salon de l’Education, d’une démonstration par ses créateurs (comportements caractéristiques, dialogues en situation, jeux de rôle, réponses adaptées).

Le processus a pour vocation d’apporter des réponses concrètes, opérationnelles, aux trois questions suivantes :

  • Comment un enseignant peut-il faire face à la situation ?
  • Quelles réponses sont possibles ?
  • Quels sont les enjeux ?

Le processus s’engage sur une analyse des besoins propres aux différents acteurs : enseignant, enfant TDAH, autres enfants.
Ainsi, par exemple, au titre des besoins de l’enseignant, l’analyse des situations et l’écoute des intéressés révèlent l’existence des besoins suivants :

  • Etre respecté ;
  • affirmer son autorité ;
  • préserver son confort ;
  • enseigner dans de bonnes conditions ;
  • maintenir le niveau d’écoute et d’attention générale ;

Une définition succincte des comportements propres à l’enfant hyperactif, générés par les trois symptômes de la triade : inattention, impulsivité et hyperactivité, est donnée.

  • l’inattention : l’enfant est très « distractible » ; il ne sait pas se concentrer longtemps ;
  • l’impulsivité : l’enfant agit avant de réfléchir ;
  • l’hyperactivité : l’enfant éprouve le besoin d’être en action, en mouvement.

A noter que, dans le cas d’un enfant hyperactif, ces comportements peuvent s’ajouter les uns aux autres ; de surcroît, les situations se répètent avec une fréquence et une intensité supérieure à la moyenne des autres enfants.

Sont abordés ensuite les trois niveaux de réponse possibles face au comportement de l’enfant TDAH. A noter que ces réponses permettront également d’améliorer le comportement des autres enfants.

Ces trois niveaux de réponse se répartissent entre :

1. Une phase d’information de l’enfant (quant aux règles du jeu en vigueur dans la classe, au respect du cadre, à la nature et aux motifs des limites imposées) ;

2. Une phase de rappel, qui porte sur le même objet (la remise en jeu, le rappel du cadre, des limites), et qui se caractérise par une volonté de conciliation et de compréhension de la part de l’enseignant, matérialisée par le soutien à l’enfant ;

3. Une phase de « sanction » où la mise hors-jeu de l’enfant est opérée, du fait que la sortie du cadre et le dépassement des limites ont été constatés et communiqués à l’intéressé.

Enfin, une série de recommandations pratiques est mise à la disposition de l’enseignant afin qu’il puise gérer, au mieux des besoins de chacun, sa relation avec l’enfant TDAH.

Parmi ces recommandations, nombreuses, variées, et directement utilisables par l’enseignant, on citera, entre autres : l’attitude positive inconditionnelle à l’égard de l’enfant TDAH ; la priorité accordée aux images pour illustrer le cours ; la nécessité d’établir fréquemment avec l’enfant TDAH un contact visuel (« regarde-moi ! ») ; de s’approcher régulièrement de lui et de l’encourager, afin de canaliser son attention (lui toucher l’épaule de manière bienveillante, par exemple) ; d’obtenir un « oui » de validation de sa part après une remarque de l’enseignant (mieux vaut, dans tous les cas, un « non » sur lequel l’enseignant va pouvoir travailler, qu’un faux « oui »), etc.

Enfin, un éclairage spécifique, et salutaire, est apporté à la gestion des émotions négatives.

Les émotions doivent être communiquées à l’enfant, avec un impératif : l’émotion ressentie par l’enseignant doit être en accord avec le comportement qui l’exprime.
Une grille d’analyse et de réponse est proposée ; le processus est le suivant :

  • Enoncé par l’enseignant du comportement visé chez l’enfant (« Quand tu fais ceci… ») ;
  • Enoncé de l’émotion ressentie par l’enseignant (« Quand tu fais ceci, je… ») ;
  • Enoncé des raisons, du mobile de l’émotion ressentie (« Quand tu fais ceci, je…, parce que… ») ;
  • Affirmation du besoin actuel de l’enseignant (« Je te demande de, etc. » ; être bien ancré dans l’affirmation, être attentif à ne pas se protéger de l’autre) ;
  • Donner sa motivation « Je te demande de…, afin que… ».

Dans le cadre ainsi défini, l’enseignant doit accepter ses propres limites et se donner des permissions (eu égard au caractère parfois épuisant de ce processus).

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