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Programme d’entraînement aux habiletés parentales de Barkley Stéphan RENOU

, par Christine Gétin, directrice, Stéphan RENOU

Programme d’entraînement aux habiletés parentales de Barkley

Stéphan RENOU

Service de psychopathologie de l’enfant, hôpital Robert-Debré, Paris

Le TDAH est un trouble complexe et invalidant. Il comporte plusieurs symptômes associés au-delà de la triade habituelle : inattention, hyperactivité, impulsivité. Ces symptômes associés sont gênants pour l’enfant comme pour les parents. C’est le cas par exemple de la labilité émotionnelle : certains enfants connaissent une fluctuation des émotions très imprévisible. De même, certains enfants avec TDAH sont intolérants à la frustration : ils se mettent très rapidement en colère quand on leur refuse quelque chose. D’autre part, ils rencontrent souvent des difficultés pour respecter les règles et les consignes familiales, sociales ou scolaires.
Tout ceci peut entraîner des interactions négatives et des relations conflictuelles entre les parents et l’enfant. Les enfants sont souvent plus revendicatifs, ergotent ou cherchent à avoir le dernier mot ; ils se montrent défiants et exigeants. En réaction, les parents peuvent se montrer de plus en plus directifs, critiques et coercitifs et peuvent finir par avoir l’impression de passer leur temps à punir leur enfant. Le retentissement peut donc être important en termes d’estime de soi, déjà fragile chez ces enfants. Les parents éprouvent quant à eux des sentiments de frustration, de détresse et d’incompétence parentale. Le fonctionnement du couple et de la famille peut également s’en trouver altéré.

Le TDAH affecte aussi bien les interactions de l’enfant vis-à-vis de sa famille que celles des parents vis-à-vis de leurs enfants. Les parents rapportent ainsi un niveau de stress plus élevé lié à leur rôle parental et se perçoivent comme moins compétents. Parmi les réponses recommandées figure l’intervention auprès des parents, et notamment les groupes d’entraînement aux habiletés parentales. L’hôpital Robert-Debré a choisi le programme de Barkley, qui possède une certaine ancienneté et une efficacité démontrée. Ce programme porte notamment sur la non-compliance, c’est-à-dire la difficulté à adhérer aux règles sociales ou familiales. Il est donc bien adapté au TDAH. Le programme s’inscrit dans un champ comportemental et cognitif : il vise à la fois à modifier certaines pensées et certains comportements que les parents peuvent avoir vis-à-vis de l’enfant.

Le premier objectif du programme de Barkley, et l’objet de la première séance, est la compréhension du trouble. Le programme ne vise pas à guérir le trouble, mais à diminuer l’intensité des comportements inadaptés et surtout à rétablir des relations plus sereines entre l’enfant et ses parents.

Le programme de Barkley s’adresse spécifiquement aux parents, en groupe fermé de quinze à vingt personnes, à raison de dix séances de 90 minutes, généralement bimensuelles. Il porte essentiellement sur les comportements non compliants qui sous-tend la majorité des interactions négatives : difficulté à suivre les règles en raison notamment des déficits cognitifs sous-jacents – déficit de l’attention soutenue, de la modulation et de l’autocontrôle du comportement, des stratégies de recherche et de résolution de problèmes, etc. Elle peut se généraliser à d’autres situations, notamment l’école ou les activités extrascolaires. Elle est également un facteur prédictif de mauvaise adaptation sociale.

Le retentissement de la non-compliance sur le fonctionnement familial est considérable. Elle peut déboucher sur des comportements coercitifs, ou au contraire une restriction des demandes : les parents ne veulent pas provoquer une situation de confrontation. Cette restriction peut entraîner un ressentiment de la part de la fratrie. Ensuite, la non-compliance entraîne une moindre attention portée aux situations adaptées : plus l’enfant s’oppose, moins on est attentif aux situations où il ne l’est pas. Les moments de plaisir entre parents et enfant se font plus rares.

La désobéissance s’apprend : il peut être profitable pour l’enfant de désobéir, c’est-à-dire de ne pas répondre immédiatement à la demande. On parle de renforcement positif s’il peut continuer de poursuivre une activité agréable, obtenir un objet ou un privilège ou obtenir l’attention de ses parents ; on parle de renforcement négatif s’il évite une activité ennuyeuse ou désagréable – aller se coucher, se laver les dents – ou s’il la retarde, car les enfants fonctionnent avant tout dans l’immédiateté. L’enfant aura alors tendance à reproduire ces comportements.

L’interaction non compliante peut être décrite par un diagramme conçu par Barkley, qui explique bien comment se passe l’escalade dans l’agressivité ou l’opposition. Les parents font une demande. Si l’enfant obéit, on passe à un autre type d’interaction. Si l’enfant refuse, le parent est souvent amené à répéter sa demande. Si l’enfant répond, on passe à une autre forme d’interaction. S’il ne répond pas, le parent recourt souvent à la menace, qui peut être réitérée en cas d’échec. Si l’enfant persiste à refuser, les parents se sentent souvent impuissants : ils peuvent répondre par de l’agressivité, une punition qui peut être disproportionnée par rapport à la demande initiale, ou pire l’abandon de la demande. L’intérêt de cette formalisation est de désamorcer l’escalade le plus rapidement possible.

Le programme comprend dix étapes :

  • information sur le trouble ;
  • analyse fonctionnelle : comprendre le fonctionnement de l’enfant, la notion de cohérence parentale, les stress intrafamiliaux qui viennent altérer la perception de l’enfant ;
  • renforcement positif des comportements adaptés : « moments spéciaux » ;
  • formulation efficace d’une demande ;
  • système efficace d’une demande ;
  • système de gommettes, de points et de privilèges ;
  • travail et collaboration avec l’école ;
  • « time out » où l’on retire l’enfant de la situation qui pose problème ;
  • gestion des lieux publics, par exemple les supermarchés et les restaurants ;
  • anticipation des problèmes futurs.

On commence à s’entraîner à domicile, sur des éléments très simples, avant de généraliser les acquis à d’autres situations et de les pérenniser dans le temps.

Pour conclure, il est très important de porter une attention positive aux comportements et aux circonstances dans lesquelles le comportement de l’enfant est approprié. Les parents s’entraînent d’abord dans une situation idéale (moment de jeux spécialement consacré à l’enfant) où aucun ordre parental, aucune directive n’a sa place. Le but de ce moment spécial est que les parents montrent à l’enfant qu’ils s’intéressent à lui, qu’ils prennent plaisir à être avec lui lorsqu’il se comporte normalement et lui expriment qu’ils apprécient ce qu’il fait. L’étude MTA (Multimodal Treatment Study of ADHD) a montré que cette approche était indispensable dans le cadre d’un traitement multimodal. Beaucoup d’autres d’études montrent une meilleure compréhension du trouble, mais aussi une amélioration de l’habileté parentale, une réduction du stress et une amélioration de la relation entre parents et enfant.

Par ailleurs, le travail en groupe permet d’offrir un soutien social aux parents, de dédramatiser et de déculpabiliser. Ces échanges sont également très riches pour nous, thérapeutes car les parents ont souvent beaucoup d’idées à partager pour améliorer la qualité de vie de leur enfant et de la famille.

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