Le TDAH

Mesdames et Messieurs les journalistes qui connaissez mal le TDAH Témoignage

, par Christine Gétin, directrice

Vous écrivez parfois des articles sur ce sujet, sans en connaitre la complexité et l’étendue, les répercussions psychologiques, sociales et financières induites pour les familles des enfants souffrant de ce trouble, parfois en accusant les parents de céder a la facilite d’une pilule miracle qui ferait de leur petit monstre ingérable, un agneau bien calme et obéissant.

Je me permets d’imaginer que vous écrivez ces articles pour défendre un point de vue qui vous est cher, avec une impulsivité dictée par l’importance de vos croyances (et je ne me moque pas en disant cela).

Vous réagissez avec impulsivité, sans bien forcément maitriser les conséquences de votre acte, la déferlante de commentaires négatifs contre vous, la gène occasionnée, une possible sanction de votre direction. Mais vous avez fait ce qui vous semblait juste.

Alors bienvenue dans notre monde Mesdames et Messieurs. Nos enfants sont comme vous, ils réagissent avec impulsivité sans mesurer les conséquences de leurs actes, pour défendre une cause qui leur parait juste (vous saviez que ce sont des enfants qui ne supportent pas l’injustice ?).

Par vos propos, vous insultez copieusement les parents (dont moi) dans leur capacité de discernement de ce qui est bon, utile pour leur enfant. Mais ça, je ne vous en tiens pas rigueur, j’ai l’habitude dans mon travail de gérer bien pire. Je suis une adulte, je sais prendre du recul, je sais (et mon fils me l’apprend tous les jours) accorder de l’importance qu’à ce qui mérite de la recevoir.

Par contre vous insultez aussi, en niant ce trouble, mon petit garçon. Et là j’ai plus de mal. Il s’appelle Wally, retenez ce prénom à défaut de connaitre d’autres enfants atteints de ce trouble. C’est un petit bonhomme avec un courage extraordinaire, qui a du gérer avant ses 1 an des traumas que je ne souhaite à personne. Il a du développer une stratégie de survie inimaginable qui est possiblement à l’origine de son trouble actuel. Il se bat tous les jours pour faire de son mieux, pour comprendre ce que les adultes attendent de lui alors que sa capacité de concentration est très basse, pour arriver à interpréter des relations sociales qui sont biaisées par son trouble.

Vous ne remarqueriez pas forcement en le rencontrant, tous ces efforts que je vous décris, vous verriez certainement un enfant capricieux, qui refuse beaucoup l’autorité parentale car souvent elle n’a pas de sens pour lui.
Vous devriez le voir danser sur du hip-hop, c’est juste à tomber. Vous devriez voir aussi combien il est câlin, combien il est attentif aux bébés, aux animaux. Combien ces relations primaires sans mots, juste passant par un ressenti, sont faciles pour lui. Alors que les codes principaux de la société lui sont tellement difficiles à décrypter.

Je pense que vous sentez toute la fierté dans mes mots, pour un petit garçon dont la vie à commencé de façon tellement dure et qui s’est, depuis ses premières semaines, battu pour trouver sa place dans ce monde.

Je voulais vous donner la possibilité Mesdames et Messieurs, d’écrire je le souhaite un mot à Wally, pour vous excuser. Et si ce mot m’arrive, alors ce sera pour tous les Wally de la terre, tous les enfants TDAH que nous aimons plus que tout.

Souvent je dis que je sauterais volontiers du haut de la Tour Eiffel si cela pouvait enlever le « brouillard » (c’est comme cela que je le perçois) qu’il y a dans la tète de mon petit garçon, pour qu’il puisse enfin vivre une vie comme n’importe quel autre enfant. Je vais donner ma vie pour qu’il aille bien certes, mais ma vie de mère vivante et accompagnante. Avec toutes les difficultés quotidiennes que cela représente, et c’est bien plus difficile que de démissionner.

Je vais finir (pardon je suis bavarde) par une image, une image qui n’est pas de moi, que j’ai lue dans un livre traitant d’un trouble associe parfois au TDAH mais qui m’a considérablement aidée à comprendre Wally et qui je trouve s’applique bien a tous les enfants TDAH.

Imaginez-vous faire un Paris-Sydney sans escale. Un vol de quoi, 24h ? Pendant ce vol, pour des raisons de sécurité, vous ne pouvez pas vous lever. Au début, tout va bien, vous lisez un magazine, vous regardez un ou 2 films, vous travaillez peut-être. Puis les heures passent, vous n’avez qu’une envie c’est bouger, vous lever, dégourdir vos jambes. Vous devenez nerveux, vous êtes désagréables avec les hôtesses (tout le monde le serait), vous commencez à jouer avec le bouton de la télécommande de la petite télé qui au bout d’un moment casse. Votre voisin vous regarde d’un regard noir (comment, vous ne savez pas rester en place tranquillement ??), les hôtesses déjà sur les nerfs vous réprimandent.

Vous, vous vous sentez juste dans votre bon droit, parce que l’on ne peut pas faire subir cela à un être humain. Vous êtes en colère contre l’injustice dont vous être victime, les autres passagers vous rejettent parce que vous tentez de vous défendre, les hôtesses refusent de vous servir à boire et a manger parce que vous n’êtes pas gérable, elles vous laissent dans votre coin au mieux, ou vous stigmatisent en vous accusant de toutes les difficultés rencontrées pendant le vol.

Enfin Sydney est en vue, enfin l’avion atterrit. Vous bousculez les autres passagers pour être le premier à sortir, pour enfin respirer, pour pouvoir courir, vous vous moquez de mettre un manteau parce qu’il pleut et qu’il fait frais. Vous voulez sentir le vent contre votre joue et faire 3 fois le tour de l’aéroport en courant pour vous sentir vivante.

Nos enfants font des Paris-Sydney dans ces conditions tous les jours. Sauf que leur vol ne dure pas 24h mais quelques (dizaine de) minutes.

Wally dort au moment où je vous écris (il est 18h30). Je l’ai récupéré à l’école tôt, mais il s’est endormi dans la voiture, épuisé par les efforts qu’il a du faire, épuisé par son sommeil difficile.

La maman de Wally

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