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Evaluation des psychothérapies - Dr J-M. Thurin, Paris

, par Dr JM Thurin

L’évaluation des psychothérapies consiste à définir les changements qui interviennent chez l’enfant ou l’adolescent (indicateurs de santé mentale et psychique), les actions psychothérapiques et psychosociales qui y participent ou les produisent (médiateurs) et les facteurs prédictifs de changement chez le patient et son entourage (modérateurs).

Elle vise à démontrer l’efficacité des psychothérapies selon des critères établis (études cliniques comparatives de groupe, études de cas isolés).

TROIS TYPES D’INTERVENTIONS PSYCHOSOCIALES ONT ÉTÉ IDENTIFIÉS :

- LES INTERVENTIONS CENTRÉES SUR L’ENFANT ET L’ADOLESCENT :

Les stratégies comportementales qui en sont les principaux ingrédients sont généralement réalisées par les parents et enseignants suivant les modalités suivantes.

Les objectifs doivent être réalistes et appropriés.

Les récompenses et les attitudes accompagnant la recherche d’un changement comportemental sont choisies en évitant soigneusement les effets latéraux négatifs.

Les parents sont encouragés à partager une activité plaisante et relaxante avec leur enfant, à souligner ce que l’enfant fait bien et à le féliciter pour ses forces et ses aptitudes, à le récompenser ou exercer une restriction sur cet apport.

Au fur et à mesure du développement de l’enfant, les récompenses deviennent moins concrètes et plus symboliques.

Une part importante des interventions concerne le travail scolaire de l’enfant à la maison qui représente une source de tensions permanentes pour beaucoup de familles. Il s’agit pour elles d’aider l’enfant à segmenter une tâche longue, à définir des étapes pour la réaliser, aménager des pauses et des temps de jeu à l’extérieur, alterner la nature des activités, utiliser des stimulus attrayants (couleurs, mouvements). Définir un emploi du temps réaliste et s’y tenir.

Aider l’enfant à s’organiser dans la gestion de ses affaires de classe, ses jouets et autres objets ; l’organisation de son temps, de ses pensées est un troisième registre importantd’interventions, en veillant à ce que chaque chose ait sa place et la garde et en utilisant des mémos pour éviter des affolements du départ à l’école.

L’efficacité de ces interventions n’a pas été démontrée par des études formalisées lorsqu’elles sont réalisées de façon isolée.

- LES INTERVENTIONS CENTRÉES SUR LA FAMILLE :

Le TDAH contribue souvent à produire des difficultés dans la relation parents-enfant et accroît le stress chez les parents et les enfants qui présentent le trouble.

De plus, les parents peuvent développer des stratégies parentales inadaptées et contre-productives qui peuvent maintenir ou exacerber les difficultés comportementales existantes.

Un des éléments démontrés est que le traitement global du TDAH implique de travailler directement avec les parents pour modifier leurs comportements de façon à accroître les effets positifs avec leurs enfants. Les comportements négatifs des parents font partie des prédicteurs les plus solides de résultats négatifs à long terme chez les enfants ayant des problèmes comportementaux.

On apprend aux parents à identifier et à gérer ce qui précède les comportements pathologiques de l’enfant, leur déroulement et leurs conséquences (leur processus), à cibler et suivre les comportements problématiques, à récompenser les comportements qui vont dans le sens de la socialisation à travers des félicitations, une attention positive et des récompenses tangibles, et à réduire le comportement non voulu en l’ignorant volontairement ou par d’autres techniques ne faisant par intervenir une discipline physique.

D’autres interventions psychothérapiques complètent cette approche de fond. Ce sont les programmes individuels centrés sur les interactions (PCIT) (situations de jeu de rôle pour expliquer aux parents comment engager une relation partagée avec leur enfant et l’encourager à se conduire de façon appropriée), utilisés notamment dans les cas très difficiles ; la prise en charge individuelle des problèmes psychopathologiques des parents (TDAH, dépression, stress et anxiété, …) ;

les thérapies familiales centrées sur les problèmes de communication et la résolution de problèmes.

Les résultats sont favorables à très favorables.

- LES INTERVENTIONS CENTRÉES SUR L’ÉCOLE :

Les collaborations avec les enseignants s’avèrent très efficaces : information à propos du TDAH et identification de comportements cibles spécifiques, importance donnée à l’évaluation fonctionnelle du comportement (son processus) ; techniques d’encouragement, d’ignorance planifiée, de consignes efficaces et de récréation ; bilan de journée remis aux parents.
Ces interventions se révèlent très efficaces. Leur limite réside dans la résistance ou l’incapacité de l’enseignant à mettre en place de tels programmes.

- les interventions centrées sur les pairs :

De mauvaises relations avec les pairs sont prédictives de résultats négatifs à long terme.
Trente deux études comprennent des mesures centrées sur les interactions avec les pairs.
Celles-ci n’ont fait leurs preuves que dans des situations « récréationnelles ».

Plusieurs aspects de ces études évaluatives doivent être soulignés, qui leur apportent un intérêt supplémentaire dans la connaissance à la fois du TDAH, des conditions et des processus de changements

Il existe une grande variabilité des réponses individuelles aux traitements pharmacologiques comme aux thérapies comportementales. Il est difficile d’interpréter l’efficacité d’interventions testées séparément ou en combinaison, effectuées par des personnes de formation très diverses, sans que soient abordées les variables individuelles et de contexte.

Cependant, la grande étude MTA réalisée par l’Institut américain de recherche en santé mentale (NIMH) apporte des éléments très intéressants.

Elle a concerné 579 enfants, de 7-9 ans, présentant TDAH type combiné. Ces enfants ont été répartis de façon aléatoire entre 4 groupes de traitement :

1) thérapie comportementale incluant un formation parentale intensive, une formation des enseignants, une aide scolaire et des rapports quotidiens, auxquels était associé un traitement centré sur enfant (programme d’été) ;

2) traitement psychotrope par stimulant ou antidépresseur 28J ;

3) traitement combiné (thérapie comportementale + psychotrope) ;

4) groupe contrôle (liberté aux parents rechercher ou non un traitement)

Les résultats ont montré que les psychotropes étaient plus efficaces que la thérapie comportementale sur les symptômes inattention / hyperactivité, mais pas sur autres dimensions du trouble (notamment psychosociales).

Le traitement combiné était plus efficace que les psychotropes seuls sur la plupart des cibles de socialisation (relations parents-enfant, communication avec les autres …).

Le traitement combiné était plus efficace que celui du groupe contrôle sur les 5 domaines de fonctionnement non ADHD (comportements agressifs, symptômes internes, relations familiales et sociales, succès scolaires).

Le traitement comportemental seul, comme celui du groupe contrôle n’étaient pas efficaces sur les symptômes primaires du trouble.

Globalement, trois interventions ont démontré leur effet : l’aide et les conseils structurés familiaux, auprès des enseignants et dans des dispositifs inter pairs.

L’appropriation de la thérapie, les collaborations et les interactions jouent un rôle important. Ces interventions ont un rôle majeur sur les fonctionnements psychosociaux.

Les recommandations actuelles de la recherche portent sur l’acquisition d’une meilleure connaissance des modérateurs (facteurs prédictifs) et des médiateurs (ingrédients et mécanismes d’action) de l’efficacité. Par ailleurs, les interventions psychosociales testées sont centrées sur les comportements et ignorent, pour l’essentiel, les facteurs psychiques qui les accompagnent, les activent ou les réduisent. C’est un aspect qui n’est pas actuellement évalué et la recherche devrait aussi porter sur ce domaine.

Comme dans d’autres affections, le TDAH ne se réduit pas à ses facteurs primaires. Nous avons vu comment tout ce qui concerne la sociabilité et les relations interpersonnelles bénéficie de thérapies associant des médiations comportementales et relationnelles ajustées et individualisées. Reste ce qui se passe au niveau intrapsychique chez l’enfant et son entourage.

Les conflits interpersonnels et internes, le sentiment d’échec et la dégradation de l’image de soi, la colère et les comportements inadaptés qui en résultent, le stress demandent une approche compréhensive et expressive qui peut réguler les effets de représentations erronées et de malentendus entre l’enfant et son entourage.

C’est ce que réalise le travail psychothérapique proprement dit qui se déroule au cours de consultations thérapeutiques régulières. Comme le décrit très bien Ph Mazet, l’enfant exprime au cours de ces consultations ce qu’il ressent et vit au niveau de ses interactions actuelles à la maison, avec ses parents, frères et soeurs, à l’école avec ses pairs et les enseignants, aborde ses difficultés relationnelles et d’apprentissage, son éventuelle souffrance et verbalise ses peurs, ses sentiments d’échec, d’infériorité et de culpabilité, en somme tout ce qui constitue notamment sa vie psychique interne.

Parallèlement doit avoir lieu tout un travail d’accompagnement des parents se centrant sur les interactions quotidiennes actuelles avec leur enfant, mais aussi ce qu’ils ont envie de dire de manière plus générale de leur enfant, voire de leur propre histoire familiale ou personnelle.

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